Fin de parcours pour les tubes du LHC

La production des tubes échangeurs de chaleur, qui serviront à refroidir les aimants du LHC, et des tubes froids, dans lesquels circuleront les faisceaux de protons, devrait s'achever vers la fin de l'année. Ces deux composants essentiels des aimants du LHC sont finalisés au CERN.

Il leur fallait des installations à la hauteur, pour ne pas dire à la bonne longueur. C'est donc dans le grand bâtiment 927 que tous les tubes de 15 mètres de long des dipôles du LHC reçoivent la touche finale. Ces tubes sont essentiels pour le fonctionnement des aimants du futur accélérateur. Les tubes échangeurs de chaleur contribueront à refroidir les aimants dipôles du LHC jusqu'à la température de -271°C, tandis que les tubes froids constituent les chambres à vide dans lesquelles les faisceaux de protons du LHC circuleront. Dans le bâtiment 927 du CERN, les premiers sont assemblés par faisceau d'électrons, tandis que les seconds sont recouverts de leur isolant.

Tubes échangeurs de chaleur

Chaque jour, une dizaine de tubes échangeurs de chaleur est finalisée au bâtiment 927. Les extrémités des tubes en cuivre provenant des usines d'Outokumpu (Finlande) y sont d'abord usinées. Puis les tubes partent au bâtiment 118 pour un nettoyage de type ultra vide dans des bacs spécialement adaptés à leur longueur.
Pendant ce temps, des anneaux de cuivre de 10 mm de long sont assemblés à des pièces en inox par brasage sous vide au bâtiment 112. Ces extrémités en inox facilitent la connexion des tubes à l'intérieur des aimants. Ces pièces de transition sont ensuite soudées au bout des tubes de cuivre par faisceau d'électrons.
« Le soudage par faisceau d'électrons permet au cuivre de conserver ses propriétés mécaniques. La soudure pourra ainsi résister à la forte pression qui s'exercera dans les aimants du LHC en cas de quench, c'est à dire le passage de l'état supraconducteur à l'état conducteur », explique Gilles Favre, responsable de la production des tubes échangeurs de chaleur. Après différents contrôles - dimension, étanchéité et test aux rayons X - les tubes sont expédiés vers les usines, où sont assemblés les aimants. Au total, 1700 de ces tubes en cuivre, dans lesquels circulera de l'hélium superfluide, refroidiront les aimants du LHC, dipôles et quadripôles. Plus de 1200 tubes ont déjà été produits.


Les tubes de cuivre, futurs échangeurs de chaleur des aimants du LHC, sont immergés, par dix, dans des bacs de rinçage de 17 mètres de long.


L'équipe des soudeurs, braseurs et mécaniciens impliqués dans la fabrication des tubes échangeurs de chaleur.
De gauche à droite : L. Brinant, T. Tardy, L. Leggiero, T. Callamand, L. Marquet, P. Miauton, G. Favre, L. Dumont, I. Sexton, S. Mathot.

Tubes froids

Dans une autre partie du bâtiment 927, les tubes froids, livrés par l'entreprise DMV en Italie, sont recouverts de différentes couches d'isolant, enrubannés de polyester par une machine, puis passés au four à 190°C.
« Après ce passage au four pour fixer l'isolant, le polyester servant de moule est retiré à la main », décrit Hans Kummer, responsable de cette isolation au sein du groupe Aimants et Supraconducteurs (AT-MAS). « Les matériaux isolants ont été développés selon les spécifications du CERN. Les trois couches isolantes remplissent des fonctions différentes », explique Davide Tommasini, chef de la section bobinage des aimants et isolation électrique (ME) dans le groupe AT-MAS, « La première, en polyimide, isole électriquement le tube froid des bobines supraconductrices qui l'entourent. La seconde, à base de fibre de verre et de résine époxy, protège mécaniquement cette barrière diélectrique. Et la troisième, la plus externe, est constituée d'une couche de polyimide couverte d'une colle spéciale qui rend la surface très glissante pour faciliter le positionnement des bobines autour des tubes. »
Au total, 3500 de ces tubes en inox seront nécessaires pour faire circuler le double faisceau du LHC dans les aimants. Plus de 2800 tubes sont déjà isolés, ce qui représente 36 km sur les 50 nécessaires pour le LHC.
Environ 35 tubes sont acheminés chaque semaine vers les constructeurs des aimants.


Les tubes froids, où circuleront les faisceaux du LHC, sont isolés au bâtiment 927. Bruno Meunier, vérifie la machine à enrubanner, tandis qu'Olivier Vasseur, enlève le ruban de polyester recouvrant les couches isolantes des tubes.

Internalisation

L'isolation des tubes froids a commencé au CERN à l'automne 2001. « C'est l'un des premiers exemples d'une ré-internalisation d'un travail très spécialisé », souligne Lucio Rossi, chef du groupe Aimants et Supraconducteurs (AT-MAS). « Cela a permis de livrer les tubes selon la qualité et les délais exigés, en économisant 400 000 CHF », précise Hans Kummer.
Fin 2002, la décision d'internaliser la fabrication des tubes échangeurs de chaleur fut également prise. « Les technologies étaient déjà mises en œuvre au CERN. L'idée était d'utiliser les mêmes installations pour différents composants longs des aimant, telles que celles du nettoyage ultra vide, et d'exploiter les synergies existantes, comme la logistique », explique Francesco Bertinelli, responsable du Centre Composant du groupe AT-MAS, « Entre 500 000 et 700 000 CHF ont ainsi été économisés sur les tubes échangeurs de chaleur ». La production de ces tubes s'achèvera ainsi à la fin de l'année.

Dissection d'un dipôle du LHC



La masse froide d'un aimant dipôle principal de 15 mètres de long comprend une quinzaine de composants différents. Tous les composants principaux sont sous la responsabilité directe du CERN. Quatre d'entre eux transitent par le Laboratoire : le câble, cœur supraconducteur des aimants (voir Bulletin 14/2004), les écrans de faisceaux, les tubes échangeurs de chaleur et les tubes froids des faisceaux. Ces deux derniers passent par le bâti-ment 927 avant d'être acheminés vers les usines qui construisent les aimants. Les tubes échangeurs, d'un diamètre de 58 mm, évacueront la chaleur des aimants, grâce à de l'hélium superfluide. Les tubes froids, d'un diamètre de 53 mm seront mis sous vide pour faire circuler le double faisceau du LHC.