Des pompes toutes minces

Au bâtiment 181, la moitié des chambres à vide des Long Straight Sections (LSS) du LHC a déjà été recouverte, par pulvérisation cathodique, de matériau getter. Cette technique innovante, inventée au CERN, sera appliquée à toutes les chambres «chaudes» du LHC.

Tout le monde semble d'accord pour dire que lorsqu'un espace est vide, c'est qu'il n'y a rien à l'intérieur. Pour les physiciens, ceci n'est pas vrai. En effet, certaines particules, ces petits grains qui composent la matière, sont présentes partout. De plus, à la surface de la terre, on trouve 25 millions de millions de millions (1018) de molécules de gaz dans chaque centimètre cube d'atmosphère. Dans de telles conditions, les protons du LHC ne pourraient jamais circuler, car ils ne cesseraient d'interagir avec des molécules de gaz et seraient rapidement perdus. Dans un accélérateur, il est donc essentiel de faire circuler les particules dans une chambre, où on aura réduit au maximum le nombre d'atomes ou de molécules de gaz.


Membres de l'équipe, de gauche à droite : Wil Vollenberg, Holger Neupert, Jean Cavé, Antonio Mongelluzzo, Cristina Bellachioma, Guillaume Andreolety, Geraldine Chuste, Pedro Costa Pinto, Ivo Wevers, Paolo Chiggiato (responsable de cette activité).

Le LHC sera composé de deux types de chambres à vide : celles des sections froides de la machine, qui contiennent les aimants supraconducteurs, et celles des sections chaudes (non cryogénique), situées essentiellement de part et d 'autre des points de croisement des faisceaux.
Pour la partie froide, un vide presque parfait est obtenu grâce à l'effet de cryopompage. Pour les chambres des sections chaudes, on a recours à une autre technique qui consiste à déposer une mince couche de matériau getter, agissant comme du papier tue-mouches, qui aura pour mission de capturer les particules de gaz restantes, améliorant ainsi le vide ambiant.
Pour la production de cette couche getter, une cathode est introduite au centre de la chambre à vide, l'air est évacué par des pompes turbomoléculaires, du gaz (krypton) est injecté à la pression d 'environ 10-2 Torr et une décharge cathodique est produite en polarisant la cathode à environ -500 V. Les ions produits par la décharge bombardent la cathode et en éjectent des atomes qui se déposent sur la paroi de la chambre jusqu'à obtenir une couche d 'épaisseur micrométrique.
La cathode étant constituée de trois fils tressés, un en zirconium, un en titane et un en vanadium, la couche getter est ainsi formée de ces trois métaux en quantités presque égales. Grâce au getter, la chambre devient sa propre pompe.
Une fois ce processus terminé, les chambres sont remplies avec de l'air sec puis stockées sous azote jusqu'à leur installation dans la machine.
Le getter avait déjà été utilisé avec succès dans le LEP mais d'une manière beaucoup moins sophistiquée. En effet, un ruban de getter était déroulé directement dans la chambre à vide. C'est Cristoforo Benvenuti, l'actuel chef du groupe TS-MME, chargé de la préparation des chambres à vide chaudes du LHC, qui a développé cette technique.
L'étape de la pulvérisation cathodique est la dernière étape, avant le stockage, d'une grande chaîne de traitements que subissent les chambres à vide au CERN. En effet, avant d'arriver au bâtiment 181, les chambres à vide passent par l'atelier de mécanique (brasage, soudure), par le bâtiment 927 (détection de fuites) et par l'atelier chimique (dégraissage et décapage). Il ne faut surtout pas oublier le service de transport et de manutention qui permet le déplacement des chambres entre cinq bâtiments distincts du CERN, dans lesquels elles subissent les différents traitements.
A l'heure actuelle, plus de la moitié des chambres à vide pour les LSS, c'est-à-dire 380 sur un total de 662, ont été recouvertes de getter. Une fois que toutes ces chambres seront terminées, il restera encore au groupe TS-MME à traiter les chambres à vide qui seront installées directement au coeur des expériences et dans les aimants à température ambiante du LHC.
Cette technique novatrice, entièrement développée au CERN, est couverte par un brevet et fait l'objet de transferts technologiques. Elle a déjà été testée avec succès dans le SPS et dans d'autres laboratoires, comme l 'ESRF, en France ou ELETTRA, en Italie.