ALICE tourne à plein régime

Le dipôle d'ALICE a récemment fait l'objet d'essais de mise en service concluants qui ont marqué une étape importante pour la collaboration.


L'équipe qui a assemblé l'aimant dipolaire d'ALICE pose devant l'impressionnant composant dans le hall de l'expérience, fin novembre dernier.

La collaboration ALICE a franchi une étape décisive lorsque ses membres ont mis sous tension le dipôle nouvellement construit pour le spectromètre à muons. Le 9 novembre, cet énorme aimant, entièrement assemblé dans le hall d'expérimentation d'ALICE, a atteint sa pleine intensité, de 6 000 ampères, et produit une induction magnétique de 670 milliteslas.

A la suite d'une semaine d'essais pour évaluer les paramètres de l'aimant, il s'est avéré que ceux-ci correspondaient pleinement à toutes les valeurs nominales. Les essais portaient également sur la mise en service de la nouvelle alimentation et du système de contrôle de l'aimant et sur la mesure du « champ de fuite », le champ magnétique entourant l'aimant.

Lors du démarrage de l'expérience, les collisions de particules au centre du solénoïde d'ALICE produiront, entre autres, des muons qui fuseront au travers du dipôle, situé à 8 mètres de distance. Les deux bobines semi-circulaires de l'aimant et les pôles verticaux de la culasse rectangulaire créent le champ magnétique nécessaire pour incurver les trajectoires des muons.

A l'intensité nominale, l'énergie accumulée par l'aimant atteint 18 mégajoules et l'énergie électrique dissipée 3,6 mégawatts. De l'eau déminéralisée est pompée au travers des circuits de la bobine à un débit de 115 m3 par heure pour absorber cette énergie ; sa température augmente de 30 °C.

Au cours de la mise en service, les contraintes et les déformations mécaniques de l'aimant ont aussi été mesurées. Les essais ont établi que les contraintes structurelles dans la culasse de l'aimant s'inscrivent bien en deçà de la limite de sécurité. Le mouvement des bobines entraîné par les déformations électromagnétiques et thermiques correspond aux valeurs escomptées.

L'aimant est le fruit d'une collaboration internationale. Une équipe d'ingénieurs et de techniciens du laboratoire de JINR, à Doubna (Russie), a assumé une partie importante des travaux de conception et de développement. De nombreux calculs mécaniques et d'induction magnétique et la majeure partie de la conception des éléments ont été réalisés au CERN. Les principaux éléments ont été fournis par des pays européens, soit en tant que contributions en nature soit dans le cadre de contrats passés avec l'industrie. La Russie, par exemple, a fourni plus de 800 tonnes d'acier pour la culasse de l'aimant et la France les deux bobines de 30 tonnes chacune, qui ont été réalisées à partir de conducteurs en aluminium produits par l'industrie britannique. Les lourds supports des bobines en acier inoxydable ont été fabriqués en Espagne avec de l'acier acheté en Suède. Une équipe extrêmement motivée a ensuite soigneusement assemblé tous ces grands éléments au CERN, où Detlef Swoboda, Chef du projet d'aimant dipolaire d'ALICE, assume la coordination et la gestion de l'ensemble du projet.

Le dipôle doit encore être amené à son emplacement définitif dans l'appareillage de l'expérience, à côté du grand aimant solénoïde, qui avait été construit pour le détecteur L3 du LEP et sera réutilisé par ALICE. Pour déplacer le dipôle, la collaboration doit le démonter, transporter les pièces, puis le reconstruire de l'autre côté de la caverne expérimentale. La collaboration a amorcé ce travail très délicat avant Noël 2004 et compte le terminer pour Pâques 2005. L'un des grands défis de l'opération sera le passage des bobines par dessus le solénoïde d'ALICE, qui exigera une précision au millimètre dans le maniement du pont.

La reconstruction de l'aimant à sa place définitive exige un alignement parfait des modules de la culasse par rapport à l'axe du faisceau du LHC et doit s'opérer à une distance précise du point d'interaction des faisceaux de particules. Des goujons d'alignement placés entre des éléments de l'aimant garantissent donc leurs positions relatives et le Groupe de métrologie du CERN vérifie toutes les dimensions critiques.

Une fois l'aimant installé, entre le solénoïde et la paroi de fer de 300 tonnes qui constitue le filtre à muons, la collaboration pourra commencer à cartographier le champ magnétique du dipôle à l'aide d'un dispositif de mesure de pointe. Elle cartographiera ainsi le champ dans tout le volume du système magnétique d'ALICE, y compris à l'intérieur du solénoïde.


L'équipe chargée de la mise en service de l'aimant dipôle d'ALICE avec, de gauche à droite, Steven Philippin, Carlos de Almeida Martins, Alain Meynet et Detlef Swoboda (Chef du projet de l'aimant dipolaire d'ALICE).