Le mot du DG: Un nouveau modèle pour le partage du savoir

Comme chacun le sait, l'un des buts fondamentaux de la recherche scientifique est de diffuser ses résultats le plus largement possible. Les chercheurs ont en principe accès aux travaux scientifiques grâce aux bibliothèques. Or aujourd'hui, l'augmentation, année après année, des frais d'abonnement aux revues scientifiques - bien supérieure à l'inflation - est telle que des groupes de physiciens du LHC publient des articles dans des revues qu'ils ne peuvent pas lire dans leurs instituts d'origine. Comme vous l'aurez peut-être remarqué, même la bibliothèque du CERN a du mal à continuer à constituer des collections complètes. Cette difficulté d'accès, non seulement va à l'encontre de la finalité de la science, mais a des répercussions importantes dans des domaines comme l'enseignement ou le transfert de technologie.

La Commission européenne est depuis un certain temps consciente du problème et encourage les différents acteurs de l'édition scientifique à expérimenter de nouveaux modèles de publication susceptibles d'améliorer tant l'accès à l'information scientifique que la diffusion de celle-ci. Dans ce contexte le CERN a joué ces deux dernières années un rôle de catalyseur entre les représentants des organismes de financement européens, les bibliothécaires, les laboratoires et les éditeurs dans le domaine de la physique des particules afin que soit défini un nouveau modèle commercial pour la publication scientifique qui permettra à quiconque d'accéder gratuitement par le Web aux articles évalués par des pairs. Ce modèle, qui suscite de plus en plus l'adhésion, a été présenté au cours d'une réunion à Bruxelles devant 500 délégués, représentant des chercheurs de tous les domaines scientifiques, des responsables de recherche ainsi que des éditeurs, et plus récemment, la semaine dernière, pendant une réunion de représentants d'organismes de financement de la physique des particules organisée ici au CERN.

Il est clair que cette nouvelle conception aura une incidence au-delà du CERN. Pour réformer le système de publication, il est impératif que tous les scientifiques d'une discipline, au niveau mondial, se rassemblent derrière un nouveau modèle. Ce modèle pourrait alors s'étendre à d'autres domaines de la physique, et même à d'autres disciplines. La position résolument favorable au libre accès adoptée récemment par les comités des collaborations ALICE, ATLAS, CMS, LHCb et TOTEM revêt une grande importance. Elle démontre la volonté de la communauté scientifique du LHC toute entière et ses effets sont déjà visibles dans le monde de l'édition.

En proposant un nouveau modèle de publication, nous remettons en cause une tradition vieille de 350 ans, mais, dans ce domaine comme dans d'autres, la physique du LHC impose de sortir des sentiers battus. Dans ce contexte et dans l'esprit du partage du savoir, illustré par la création du Web et, aujourd'hui, de la Grille, j'apporte tout mon soutien au passage à un nouveau paradigme. L'édition scientifique est en pleine mutation; aussi est-il naturel selon moi que les résultats de physique du LHC soient publiés de façon à être accessibles à tous.

Robert Aymar