CLIC: les préparatifs avancent

Atelier international sur le futur Collisionneur linéaire compact : la physique de l’après-LHC.

Schéma de principe de CLIC.

En juin, le CERN a été gratifié d’un nouveau bâtiment : le bâtiment 2010. Le hasard fait bien les choses, car ce chiffre a pour les nouveaux occupants une signification particulière : d’ici à l’année 2010, les équipes travaillant à la nouvelle zone d’expérimentation du CLIC, ainsi que celles de l’installation d’essai 3 (CTF3) déjà en place espèrent démontrer la faisabilité du Collisionneur linéaire compact et, selon les résultats obtenus au LHC, se lancer dans la phase de conception finale en vue de l’approbation. Un atelier organisé du 16 au 18 octobre a réuni des physiciens du monde entier venus au CERN échanger des idées et s’informer sur l’avancement de ce projet ambitieux.

Le projet CLIC vise à amener les technologies de collisionneurs de leptons à des énergies de plusieurs TeV. Il s’agira de faire entrer en collision des leptons ayant une énergie dans le centre de masse pouvant aller jusqu’à 3 TeV, soit plus de dix fois l’énergie du LEP. Cela n’est possible que dans un collisionneur linéaire, dans lequel il n’y a pas de perte d’énergie due au rayonnement synchrotron créé par le mouvement circulaire des particules. La gamme d’énergie du CLIC nous permettra de sonder ce qui, dans la physique de l’ordre du TeV, n’aura pas été dévoilé par le LHC. Mais, pour accélérer des particules à de telles énergies sur une distance de 42 km, les faisceaux doivent gagner une énorme quantité d’énergie par mètre, ce qui impose de fournir une puissance instantanée par mètre très élevée.

L’équipe CTF3 travaille à produire un faisceau qui devrait démontrer la faisabilité d’atteindre une puissance instantanée aussi élevée. « Pour réaliser cela, on emploiera un système innovant dans lequel un faisceau d’entraînement basse énergie et basse fréquence, mais de très grande intensité est lancé parallèlement au faisceau principal, lui transmettant sa puissance », explique Hans Braun, chef de projet adjoint. Le faisceau basse fréquence est comprimé lors du transfert au faisceau principal, ce qui permet une accélération et une luminosité très élevées. Cette utilisation d’un faisceau d’entraînement permet également de placer la principale source de puissance RF à distance. L’installation précédente, CTF2, a montré que le transfert de puissance à partir du faisceau d’entraînement est possible mais, contrairement à CTF3, le faisceau ne permettait pas ce transfert à l’échelle voulue. La nouvelle zone d’expérimentation, un bâtiment de 42 m de long relié au site CTF3, de 150 m de long, permettra de tester le faisceau une fois celui-ci réalisé.

L’atelier, où il a été question à la fois de physique et de la machine, était le premier du genre et a réuni plus de 200 participants de 49 instituts de 19 pays différents. L’un des buts principaux était de faire part de l’avancement du projet CLIC et des nouveaux paramètres d’accélération et de fréquence, lesquels ont été changés à la fin de l’année dernière. « Nous avons réduit le champ d’accélération de 150 MW/m à 100 MW/m, et la fréquence est passée de 30 GHz à 12 GHz, explique Hans. Cela permettra non seulement de relâcher les contraintes techniques, mais aussi d’améliorer la puissance et le rendement du système. »

Ce type de fréquence est en fait déjà utilisé au SLAC (États-Unis) et au KEK (Japon). Renforcer les liens existants avec ces laboratoires et promouvoir une collaboration future avec des instituts du monde entier était l’un des autres buts importants de l’atelier. Les groupes de travail ont pu mettre en commun leurs connaissances spécialisées, en abordant toute une série de thèmes, notamment la dynamique des faisceaux, les structures d’accélération, l’instrumentation, les structures RF et la technologie des faisceaux d’entraînement.

Saviez-vous?

Dans un collisionneur linéaire, le faisceau se déplace, comme le nom l’indique, en ligne droite. Mais sur une ligne de 42 km de long, les choses ne sont pas si simples. Du fait de la courbure de la Terre, si on construit un tunnel à une profondeur constante, il sera en fait courbé. C’est pourquoi il est nécessaire de construire un tunnel droit « comme un rayon laser », qui sera plus profond au centre pour tenir compte de la courbure de la Terre. Ce centre se situera à 100 m sous terre. Le faisceau du CLIC devra aussi être beaucoup mieux focalisé que celui du LHC, puisque, le tube étant linéaire, les particules n’ont qu’une seule occasion d’entrer en collision. Dans le LHC, les particules parcourent l’orbite 11 000 fois par seconde, et entrent en collision avec un faisceau de rayon 16,7 µm, alors qu’au CLIC le faisceau n’aura qu’une seule occasion de réaliser une collision, et devra être concentré en un point près d’un million de fois plus exigu – 40 nm de large et 1 nm de haut, soit la dimension de quelques molécules d’eau. Ce degré de focalisation extrême signifie que même les vibrations sismiques doivent être stabilisées pour qu’on puisse maintenir une ligne parfaitement droite.

Robert Aymar, Directeur général du CERN, a prononcé l’allocution d’ouverture, en évoquant la nécessité de se préparer à aller au-delà des énergies atteintes au LHC, et a souligné l’importance de travailler sur les deux projets en parallèle. Au terme de cet atelier de trois jours, Mario Calvetti a résumé, en conclusion, les défis du CLIC. Malgré l’ampleur de ces défis, l’ambiance générale était très optimiste à l’issue de cet atelier. Étant donné le succès de celui-ci, une nouvelle réunion sur le même sujet pourrait avoir lieu l’année prochaine. À la fin de la session, les membres des équipes du CERN sont revenus au bâtiment 2010 ; ce chiffre symbolise désormais pour tous la prochaine étape importante pour le CLIC.