Le temps suspend son vol à ALICE
Durant la dernière semaine d’avril, l’installation du détecteur à temps de vol (TOF) d’ALICE s’est achevée après la mise en place du dernier module dans la caverne.
Comme le montre le détecteur TOF d’ALICE, installé récemment, donner l’heure avec une extrême précision est crucial pour tenter de percer les mystères de l’origine de l’Univers. Le détecteur TOF est en effet capable de mesurer, avec une précision de l’ordre d’une infime fraction de seconde, le temps que mettent les particules pour relier le point d’interaction au niveau de la ligne de faisceau à la surface du détecteur, contribuant ainsi à identifier ces dernières.
Situé à une distance de 3,7 mètres de la ligne de faisceau, à l’intérieur de l’immense aimant d’ALICE, le détecteur cylindrique TOF a été mis au point par une collaboration de scientifiques de l’Université et de l’INFN de Bologne et de l’Université de Salerno (Italie), de l’Institut de physique théorique de Moscou et de l’Université nationale de Kangnung (Corée). Au cours des dix dernières années, l’équipe TOF a vu passer son détecteur par les phases d’élaboration, de conception, de production, d’essai et, enfin, d’installation dans la caverne.
La surface totale du détecteur est de 150 m2, divisée en 18 supermodules, chacun réparti en 5 modules. Toute la surface est recouverte de 1638 rubans de chambre à plaques résistives multiétages (MRPC), qui ont toutes été réalisées au laboratoire de Bologne de l’INFN et constituent la technologie du détecteur (voir ci-dessous pour plus d’informations).
« J’ai commencé à travailler sur ce projet pendant mes études de premier cycle au CERN il y a huit ans, explique Gilda Scioli, physicienne à ALICE. L’assemblage et l’installation des modules ont commencé l’été 2006 et se sont achevés à la fin du mois d’avril de cette année. Nous avons été de plus en plus vite pour installer les modules ; pour les premiers, plusieurs jours ont été nécessaires, mais quelques heures ont suffi pour le dernier ».
Fonctionnant de pair avec la chambre à projection temporelle (TPC), logée à l’intérieur du cylindre qu’il forme dans l’expérience, le détecteur TOF identifie les particules chargées (pions, kaons ou protons) produites par les collisions d’ions lourds en mesurant la différence entre le temps zéro (T0) au point d’interaction et le moment où une particule atteint le détecteur TOF, chacune d’elles se déplaçant à une vitesse différente. En rapprochant ce résultat de celui de la reconstitution de la trajectoire des particules à travers la TPC, il est possible de déterminer le produit des collisions intervenant sur la ligne de faisceau.
Avant d’être assemblé dans les supermodules, chaque module a été soigneusement vérifié dans le bâtiment 167 au moyen d’un télescope à rayons cosmiques. L’équipe TOF n’a plus qu’à tester à nouveau les modules afin de vérifier qu’aucun dommage n’a été causé après l’installation, puis connecter et mettre en service l’électronique dans la caverne d’expérimentation. Le compte à rebours va toucher à sa fin.
Comment fonctionnent les rubans d’une chambre à plaques résistives multiétages (MRPC) ?
Gilda Scioli explique comment les rubans MRPC détectent les particules : «Chaque ruban contient deux électrodes séparées par plusieurs feuilles de verre, espacées l’une de l’autre par du gaz. Lorsqu’une particule chargée traverse la chambre MRPC, elle ionise le gaz et produit une avalanche d’électrons et d’ions positifs. Le champ électrique créé dans le détecteur a pour effet de conduire les électrons vers l’anode et les ions positifs vers la cathode, ce qui crée un signal électrique qui est enregistré sur des cartes de circuits imprimés». La résolution temporelle du détecteur TOF est de l’ordre de 100 picosecondes (1 picoseconde vaut 10-12 secondes).