Démarrage imminent
C’est inhabituel pour la saison: les parkings sont pleins, trouver une table à midi relève du parcours du combattant, et jamais autant de bureaux ne sont restés allumés aussi tard dans la nuit. Tous ces indices ne prouvent qu’une chose: il ne reste plus que quelques semaines avant que le collisionneur de particules le plus ambitieux de la planète ne reçoive son premier faisceau de protons!
Le compte à rebours pour l’injection du premier faisceau dans le LHC a commencé. Les huit secteurs sont tous en phase finale de refroidissement, de tests électriques, d’essais et de mise sous tension des équipements. Selon le calendrier actuel, les machines doivent être prêtes pour la circulation du premier faisceau dans quelques semaines. Alors commencera la mise en service progressive de la machine pour une exploitation à 5 TeV.
Une fois tous les secteurs refroidis à 1,9 K, environ 1400 tests plus ou moins complexes doivent être effectués: entre autres, un contrôle qualité électrique, pour vérifier une nouvelle fois que tous les câbles sont bien en place après la contraction subie par les aimants lors du refroidissement, des essais de chacun des systèmes de protection et des essais de puissance qui consistent à mettre en marche chaque circuit magnétique, de manière isolée puis en groupe. Ces essais sont en cours, effectués conjointement par le groupe Opérations et des spécialistes des équipements des départements AB, AT et TS. La coordination est assurée par une équipe dédiée du groupe de mise en service du LHC. Une fois tous ces tests réalisés, les secteurs sont pris en charge par le groupe Opérations qui réalise une mise en service «à blanc», où la machine fonctionne comme s’il y avait un faisceau. Des tests de sécurité doivent aussi être effectués avant la mise en circulation du faisceau, le but étant d’éviter que quelqu’un ne soit dans le tunnel en présence du faisceau. Idéalement, ces tests ne peuvent être réalisés qu’une fois les expériences fermées.
S’il a été décidé que cette année le LHC serait exploité à 5 TeV et non 7 TeV, c’est parce que les aimants doivent subir un nouvel «entraînement» dans le tunnel. Les aimants supraconducteurs sont des appareils complexes qui doivent être entraînés pour atteindre leur champ nominal. Bien qu’ils aient tous subi un entraînement en surface, de légers changements dans leur structure ont induit des «pertes de performance». Même si cela prend du temps, il faut donc réaliser de nouveaux essais de transition résistive dans le tunnel avant que le champ magnétique requis par une exploitation à 7 TeV ne puisse être atteint.
Paul Collier, chef du groupe Opération, nous décrit le processus de «réentraînement» tel qu’il s’est déroulé dans le secteur 5-6: «Il faut plusieurs heures pour que le système cryogénique récupère d’une transition résistive à 5, 6 ou 7 TeV. Cela signifie que la seule manière d’entraîner les aimants est d’augmenter l’intensité de toute une chaîne de dipôles (154 aimants) jusqu’à ce que l’un d’eux subisse une transition, ce qui bloque tout pendant plusieurs heures; puis on recommence l’exercice. Pour éviter que cela n’engendre des retards sur le calendrier de cette année, il a été décidé de fonctionner avec une intensité moins élevée (5 TeV) où nous sommes sûrs de n’avoir aucune transition.»
On pourrait réaliser un essai d’injection pour préparer la machine avant que le faisceau nominal ne fasse un tour complet, ce qui serait envisageable soit de la ligne de transfert TI 8 au point 6, soit de TI 2 au point 3. «Si cela est possible, on le fera; non pas juste pour dire de l’avoir fait, mais parce que faire faire au faisceau le tour du LHC nécessite de régler un grand nombre d’équipements et demande donc beaucoup de travail. Nous sommes vraiment dans la première phase de la mise en circulation du faisceau» explique Paul Collier.
Si aucune date précise n’a encore été arrêtée, pour le moment, aucun incident majeur n’a menacé de gâcher la fête. L’été 2008 est décidément une période cruciale pour le CERN. Ne manquez pas les prochains épisodes.