Au cœur de l’action

Le Centre de contrôle du CERN (CCC) a tous les éléments d’une salle de contrôle dans un film d’action : des centaines d’écrans, des techniciens qui entrent et qui sortent, d’immenses fenêtres allant du sol au plafond, offrant une vue imprenable sur les montagnes, des voyants lumineux, des micros… Voilà l’endroit d’où est piloté, non seulement le LHC, mais l’ensemble du complexe d’accélérateurs du CERN et ses services techniques : le CCC est vraiment au cœur de l’action au CERN.

Les quatre îlots de contrôle du CCC ont été configurés dans l’idée d’optimiser la communication entre les équipes.

Conçu spécialement dans la perspective du LHC, le Centre de contrôle de Prévessin est opérationnel depuis février 2006. Auparavant, il y avait trois salles de contrôle séparées, l’une sur le site de Meyrin, l’autre sur celui de Prévessin, la troisième servant à l’infrastructure technique du CERN. Réunir ces trois salles de contrôle était de toute façon nécessaire pour l’exploitation du LHC, mais cela a permis également de réduire les effectifs nécessaires au fonctionnement du complexe. Les économies ainsi réalisées ont servi à financer la construction du Centre.

Dans le nouveau CCC, les trois secteurs ont été rassemblées en une seule salle, aux côtés du système de contrôle du LHC. Chaque secteur possède son propre «îlot» circulaire, avec ordinateurs et stations de travail. Paul Collier, chef du groupe Opérations, explique la raison d’être de cette configuration. «Le fait de réunir tout le monde dans la même salle permet une bien meilleure communication entre les équipes qui s’occupent des différentes installations, et c’est l’un des meilleurs moyens d’obtenir une bonne qualité de faisceau pour le LHC.» En fait, la nouvelle configuration est si efficace que la totalité du CCC peut fonctionner avec seulement huit membres du personnel de service à un moment donné.

Comme on peut l’imaginer, le CCC connaît en ce moment une activité fébrile. Juste après la réussite de l’essai de synchronisation mené dernièrement, et alors que l’on prépare le suivant, l’atmosphère est électrique. Bien que seul l’un des quatre îlots de contrôle serve à piloter le LHC, les trois autres jouent un rôle fondamental dans le succès de la machine, car ils déterminent la qualité du faisceau de hadrons qui entrera dans l’accélérateur. Ainsi, l’îlot contrôlant le complexe de Meyrin, qui comprend le PS, les deux Linacs et le synchrotron booster, est l’endroit où est créé le faisceau et où sont déterminées ses caractéristiques transversales et longitudinales.

Un autre îlot permet de commander, notamment, le SPS et les lignes de transfert. Pour ce qui est du LHC, le système récupère le faisceau issu du PS et l’achemine au LHC à l’énergie qui convient. L’énergie à laquelle le SPS lâche le faisceau est extrêmement importante, car elle détermine quelle devra être l’intensité du champ magnétique pour que le faisceau adopte exactement la bonne trajectoire à l’intérieur du LHC.

James Ridewood, chef d’équipe pour l’exploitation du SPS, donne un exemple de la façon dont il contrôle tous les différents paramètres du faisceau au moyen des systèmes présents dans la salle: «Les courbes présentes sur cet écran montrent la pulsation des aimants et l’intensité du faisceau. Les chiffres représentent les protons frappant les cibles dans la zone d’expérimentation nord. Nous observons ces figures; la forme des courbes, par exemple, nous indique immédiatement ce qui se passe dans la machine SPS.»

Toutefois, le lieu qui retient l’attention de tous en ce moment est l’îlot de contrôle du LHC. C’est là que les équipes travaillent de façon à être en mesure de faire passer le faisceau dans la totalité de la machine le 10 septembre. Lorsque le faisceau tourne dans la machine, il peut subir de petites perturbations provenant de légères erreurs dans les aimants, ce qui peut l’amener à dévier progressivement du centre de l’enceinte à vide. Dans toute la machine, des dipôles correcteurs sont installés à proximité des quadripôles qui focalisent les faisceaux. «Ces aimants correcteurs peuvent être utilisés pour recentrer le faisceau en n’importe quel point, en utilisant des capteurs pour mesurer la position du faisceau», indique Paul.

Actuellement, les équipes du LHC travaillent essentiellement à la mise en service du matériel, afin d’intégrer les différents éléments de la machine, qui doivent fonctionner tous ensemble. L’un des ingénieurs de l’équipe chargée de l’exploitation du LHC, Alick Macpherson, était en train de travailler sur l’interface entre le matériel de protection de la machine et les opérations de la salle de contrôle quand le Bulletin l’a interviewé. «Je travaille actuellement sur l’interface avec le système d’asservissement du faisceau du LHC. En cas d’incident pour l’équipement ou le faisceau, le faisceau doit être évacué en quelques centaines de microsecondes, cette opération doit donc se faire de façon automatique. Nous avons conçu des logiciels de surveillance et de contrôle qui nous permettent de savoir exactement, à partir du matériel, ce qui s’est passé à l’intérieur de la machine quand un faisceau a été évacué, de prendre les mesures nécessaires, puis de corriger le problème. En fin de compte, cette machine est énorme et très complexe, avec beaucoup d’intervenants, et tout doit être synchronisé.»

Et c’est peut-être là que le CCC se distingue de ce que vous pouvez voir dans un film d’action. Si l’on pense à la dimension, à la complexité, à la coordination nécessaire, à ce que fera cette machine, si l’on se représente toutes les ressources qu’il faut réunir pour la piloter, on se dit que c’est bien plus palpitant que tous les films à l’affiche cet été!