Expériences LHC : peaufiner le démarrage




Installation du détecteur de pied de gerbe de CMS dans la caverne. Même si ses dimensions peuvent paraître plutôt modestes à l’échelle des détecteurs du LHC, ce détecteur reste dix fois plus grand que les anciens détecteurs à base de silicium utilisés en physique des hautes énergies.

Alors que l’interruption soudaine de l’exploitation du LHC semblait assombrir le ciel du CERN, une éclaircie est apparue: grâce à une année supplémentaire de tests, de réparations et d’améliorations, ATLAS et CMS seront mieux armées que jamais lors du redémarrage du LHC à l’automne.

CMS

Si l’expérience CMS était déjà fin prête pour accueillir le premier faisceau l’an dernier, elle n’avait pas encore eu l’occasion de tester le détecteur complet sur une longue période. «Avant le premier faisceau, nous avions procédé à plusieurs essais d’exploitation d’une semaine, mais jamais plus longtemps», explique Tiziano Camporesi, coordinateur de la mise en service de CMS. Dans les semaines qui ont suivi le 19 septembre, les équipes de CMS ont réalisé leur essai d’exploitation avec des rayons cosmiques le plus approfondi à ce jour, l’expérience dans son intégralité étant exploitée à plein régime 24 heures sur 24 pendant plus d’un mois.

«Nous avons été agréablement surpris de constater que nous pouvions utiliser les données des rayons cosmiques pour aligner le détecteur à un niveau que nous ne pensions pouvoir atteindre qu’après les premières collisions, ajoute Tiziano Camporesi. Nous effectuerons donc un nouvel essai d’exploitation avec rayons cosmiques à 4 teslas le 26 juillet et l’expérience fonctionnera 24 heures sur 24 jusqu’à la première semaine de septembre.» D’une importance cruciale pour l’alignement des détecteurs, ces exploitations avec rayons cosmiques sont également primordiales pour le personnel, car elles lui permettent d’acquérir de l’expérience opérationnelle.

L’arrêt du LHC a également permis aux équipes de CMS d’installer le dernier sous-détecteur, le détecteur de pied de gerbe. Situé devant les calorimètres des bouchons, il est capable de localiser les photons avec une précision bien plus grande que les détecteurs à cristaux, plus gros. Il sera ainsi possible de distinguer deux photons de basse énergie d’un photon de haute énergie, une étape cruciale dans la détection de certains produits de la désintégration du boson de Higgs.

Bien sûr, la période d’arrêt a également été l’occasion de procéder à des travaux de consolidation sur le détecteur, en particulier la rénovation complète du système de refroidissement du trajectographe. De nombreuses autres réparations ont été réalisées, notamment sur les canaux des détecteurs de muons, qui ont été retirés, réparés et remis en place. La résolution de ces problèmes mineurs et l’amélioration de l’alignement grâce aux exploitations avec des rayons cosmiques faciliteront l’obtention de résultats de physique lorsque le LHC redémarrera.


26 mai 2009: alignement du tube du faisceau avant la fermeture définitive de l’aimant toroïdal du bouchon d’ATLAS.

ATLAS

ATLAS vient de terminer avec succès sa deuxième exploitation avec des rayons cosmiques depuis septembre dernier. Comme pour CMS, les équipes ont commencé à enregistrer des données obtenues avec des rayons cosmiques immédiatement après l’arrêt inopiné du LHC. «L’an dernier, nous étions prêts pour l’exploitation. Après l’arrêt du LHC, nous avons donc décidé d’exploiter l’ensemble du détecteur avec des rayons cosmiques pendant une période prolongée», explique Marzio Nessi, coordinateur technique d’ATLAS. Ensuite, en novembre, nous avons à nouveau ouvert le détecteur, poursuit-il, principalement pour des réparations et de la maintenance. Il y avait quelques défaillances isolées que nous voulions éliminer.»

En tout, plus de 250 activités de consolidation ont été programmées dans la caverne d’ATLAS depuis l’arrêt du LHC. Même s’il s’agit pour la plupart de travaux mineurs, l’ensemble de ces opérations permet au détecteur d’être encore mieux préparé pour le redémarrage du LHC. L’une des réparations les plus critiques a été effectuée sur le système de refroidissement du détecteur interne, dont la structure risquait d’être endommagée par les vibrations engendrées par le compresseur. Des travaux de réparation ont également été entrepris sur les cartes électroniques frontales des calorimètres électromagnétiques.

«Nous sommes maintenant sûrs que le détecteur est encore plus solide que l’an dernier. Auparavant, nous avions des problèmes avec environ 1% du système actif, par exemple des canaux électroniques qui ne répondaient pas ou des enceintes à gaz dont les fuites étaient trop importantes. Quand nous en avons eu l’occasion, nous avons donc voulu remédier à tout cela et, idéalement, réduire ces problèmes à 0,1%. Aujourd’hui, nous y sommes presque arrivés», confirme Marzio Nessi.

La période d’arrêt du LHC a également permis de prendre de l’avance sur certains points du calendrier. Ainsi, par exemple, les chambres à muons dans la région à très petit angle (chambre EE) a été partiellement installée, ce qui n’était pas prévu avant la période d’arrêt 2009-2010. Plusieurs améliorations ont également été réalisées pour se préparer à une luminosité plus élevée, comme le remplacement de fibres optiques sur les systèmes à muons, désormais prêts à recevoir un rayonnement plus intense.

Le détecteur, prêt pour une deuxième exploitation avec des rayons cosmiques, a été à nouveau fermé en juin. Après les dernières réparations, il sera complètement refermé dans l’optique du redémarrage. «Durant les 4 à 5 semaines à venir, nous mettrons en place le blindage avant, de telle sorte qu’après, plus rien ne bougera. Ensuite auront lieu les ultimes vérifications avant le redémarrage du LHC.»

Début juillet, les 4 expériences du LHC ont participé à un test à grande échelle de la Grille de calcul. Après des mois de préparation et deux semaines de fonctionnement intensif 24 h sur 24, 7 jours sur 7, elles ont atteint une nouvelle série d’objectifs visant à prouver qu’elles sont fin prêtes pour le début de la collecte de données. De nombreux tests ont eu lieu ces dernières années sur le traitement des données à grande échelle, mais cette démonstration a pour la première fois pris en compte tous les éléments clés - de la collecte des données jusqu’à leur analyse. Des records ont été atteints à de nombreux niveaux: débit de collecte de données, vitesse d’importation et d’exportation des données entre les différents centres, ainsi qu’un très grand nombre d’opérations d’analyse, de simulation et de retraitement (l’expérience ATLAS ayant à elle seule réalisé près d’un million d’analyses avec une capacité de trafic de 6 Go/s, soit l’équivalent d’un DVD rempli de données chaque seconde, et ce, sur de longues périodes).

Communication extérieure

Les opérations réalisées au cours des dix derniers mois ne se sont pas résumées à des travaux techniques. Avec la couverture médiatique sans précédent dont a fait l’objet le premier faisceau, les deux expériences ont occupé le devant de la scène.


L’un des nombreux groupes d’enfants qui ont visité CMS lors des dix derniers mois.

CMS

Cette année, les visites ont été l’une des principales activités de l’équipe de CMS chargée des activités de communication. «Nous voulions faire descendre le plus de personnes possible dans la caverne avant qu’elle ne soit fermée pour de bon, surtout des habitants de la région. Nous avons eu un très grand succès, et reçu un nombre incalculable de visiteurs! s’exclame Dave Barney, coordinateur des activités de communication de CMS. «Cela a également montré que nous aurons vraiment besoin d’un endroit pour accueillir les visiteurs dans le futur.»

Dans cette optique, l’essentiel des activités de communication de CMS ont porté sur la création d’un nouveau centre de visites appelé à devenir le principal lieu d’accueil des visiteurs une fois la caverne fermée. Le nouveau CMS discovery centre sera construit sur le site de Meyrin, à proximité du centre de calcul de l’expérience (ancienne salle de contrôle du PS). «L’emplacement est bien choisi, car il peut facilement être intégré à des visites du LINAC, qui se trouve juste à côté. Nous pouvons ainsi souligner que c’est la bouteille d’hydrogène qui constitue le point de départ de toute l’expérience.» Des maquettes, reproduisant fidèlement les panneaux de contrôle et permettant aux visiteurs (en particulier les lycéens) de contrôler le LHC et CMS et d’interpréter ensuite eux-mêmes les données, seront l’une des principales attractions de ce nouveau centre, situé à deux pas du centre CMS. «Le but étant d’être aussi réaliste que possible, les visiteurs utiliseront des logiciels très similaires à ceux qui sont vraiment utilisés. Mais nous espérons continuer à faire visiter le site de CMS proprement dit, ajoute Dave Barney. À terme, nous envisageons d’ouvrir un autre centre de visites au point 5, que l’on pourra découvrir en même temps que les nouveaux laboratoires qui seront construits à cet endroit. Et nous espérons pouvoir continuer à organiser des visites sous terre, même lorsque CMS sera en exploitation!». En fait, il y a deux cavernes sur le site de CMS, une pour l’électronique et une pour le détecteur, avec un mur de béton de 7 mètres d’épaisseur entre les deux. «Bien sûr, personne ne pourra voir l’expérience en elle-même, mais il est tout à fait possible de descendre en toute sécurité dans l’autre caverne. Même s’ils ne pourront pas voir le détecteur, les visiteurs pourront toujours vivre l’excitation d’une descente à 100 mètres sous terre.»

ATLAS

Depuis le redémarrage du LHC l’an dernier, l’équipe d’ATLAS chargée des activités de communication a vu la notoriété de l’expérience grandir. «Lors du premier faisceau, le nombre de visites sur notre site web a explosé. Et même après ce pic, il est resté nettement plus élevé qu’avant», explique Erik Johansson, l’un des deux coordinateurs des activités de communication d’ATLAS. «Et le fait d’apparaître dans une superproduction hollywoodienne a aidé aussi!» ajoute Michael Barnett, le deuxième coordinateur. Il y aura même 15 bonus consacrés au CERN et à ATLAS sur le DVD d’Anges & Démons.»

ATLAS se préparant aux premiers résultats de physique, les activités de communication lui emboîtent le pas. «L’une des activités qui rencontre le plus de succès en ce moment s’appelle Student Event Analysis, explique Michael Barnett. L’idée est de permettre à des lycéens d’analyser de vraies données obtenues par ATLAS. Pour l’heure, nous utilisons des simulations de données. Les élèves doivent d’abord identifier les bosons W et Z et les distinguer du bruit de fond. Ensuite, les étudiants peuvent chercher un événement Higgs parmi 200 autres.» Cela peut paraître complexe pour des lycéens, mais le système fonctionne déjà et a été testé sur de nombreux jeunes, et des crédits supplémentaires viennent même d’être accordés pour étendre l’opération.

Le nouveau centre des visites est la deuxième grande nouveauté. La caverne d’ATLAS étant fermée aux visiteurs depuis un certain temps déjà, le nouveau centre des visites doit pouvoir recréer cette incroyable expérience. Mission accomplie, grâce à une technologie impressionnante, avec notamment un écran interactif et un film en 3D du détecteur. Le centre, situé au point 1, a été inauguré le 23 février, et est devenu un lieu de visite incontournable depuis cette date.


Le nouveau centre de haute technologie d’ATLAS.

L’équipe de communication a encore de très nombreux projets pour le futur. Impossible d’en dresser une liste exhaustive, tant ils sont nombreux, mais en voici un avant-goût. Adopt an event proposera au grand public d’adopter un événement de physique particulier. Une personne recevra un poster de l’événement et devra regarder si celui-ci est mentionné dans des articles ou des magazines. Quant aux bâtiments du point 1, ils pourraient accueillir les œuvres de l’artiste américain qui a réalisé une peinture géante de l’expérience ATLAS sur le mur d’un bâtiment en Caroline du Sud. Le concours multimédia d’ATLAS offrira au gagnant la chance de venir au CERN réaliser des films sur ATLAS au moment du redémarrage du LHC. Enfin, le nouveau livre animé ATLAS pop-upsortira à temps pour les fêtes de fin d’année.