Un nouveau cœur pour le PS

Le nouveau système d’alimentation électrique du PS a été inauguré début mai. Baptisé POPS, ce système de convertisseurs de puissance statiques effectue des tests en attendant son raccordement à l’accélérateur.

 

L'équipe du groupe Convertisseurs de puissance (TE/EPC), le directeur des Accélérateurs, les chefs de département BE, TE et FI, des membres de la Direction du CERN et les représentants de la compagnie Converteam posent devant trois des tanks contenant les condensateurs du nouveau système d'alimentation électrique du PS (POPS).

En 2013, le PS battra avec une nouvelle alimentation électrique. Le nouveau système, joliment baptisé POPS (Power for PS), est déjà installé au milieu de la boucle de l’accélérateur et poursuit ses essais. Jeudi 6 mai, l’entreprise Converteam, qui a fabriqué cet énorme système de puissance, a effectué la remise officielle au CERN au cours d’une cérémonie.

L’inauguration de POPS valait bien de faire sauter le bouchon du champagne ! Le remplacement du système d’alimentation actuel du PS était en effet un casse-tête de longue date. « À tel point qu’on l’avait surnommé le cauchemar de Freddy », plaisante aujourd’hui Frédérick Bordry, chef du département Technologie, qui était le chef du groupe  Convertisseurs de puissance au moment du lancement du projet. Une défaillance du système d’alimentation du PS signifiait en effet une paralysie quasiment complète du complexe d’accélérateurs du CERN, le PS étant un maillon essentiel de cette chaîne. Et il aura en effet fallu sept années de développements et de fabrication pour que le successeur de la génératrice historique du PS soit en place et prêt à fonctionner.

Magid-Michel Saikaly, directeur des ventes, de l'énergie et de l'infrastructure de la compagnie Converteam, reçoit un prix de la part du Directeur des accélérateurs et de la technologie du CERN, Steve Myers, pour le développement et la fabrication du nouveau système d'alimentation électrique du PS, POPS.

La grande difficulté tient au fait qu’un accélérateur de particules pulsé ne peut être connecté directement au réseau électrique. Ses aimants doivent en effet être chargés et déchargés à une cadence rapide. Le système du PS doit être ainsi capable de délivrer des impulsions électriques de très forte puissance, 60 mégawatts, pour délivrer une énergie de 14 mégajoules dans les circuits des aimants, puis réabsorber cette énergie à chaque cycle de l’accélérateur, moins de deux secondes plus tard ! Le système d’alimentation doit de surcroît tenir cette cadence infernale sur des millions de cycles par an.

Depuis 1968, c’est une énorme machine tournante qui joue ce rôle de pacemaker : une génératrice, dotée d’un rotor de 80 tonnes, qui tourne à la vitesse de 1000 tours par minute et effectue dix millions de cycles de freinage par an. Une belle performance. Mais au bout de 40 ans de service, la génératrice du PS a logiquement fini par être fatiguée. En 2006, le rotor est tombé en panne et a été remplacé au terme d’une course contre la montre.

La même année, après avoir exploré plusieurs pistes techniques, le groupe Convertisseurs de puissance (alors AB-PO) proposait une solution de remplacement. La dotation budgétaire supplémentaire votée en juin 2007 par le Conseil du CERN permettait de débloquer le financement pour le nouveau système.
La solution, donc, est un énorme système de convertisseurs de puissance statiques et de condensateurs logés dans un nouveau bâtiment et six grands conteneurs. Des convertisseurs de puissance transforment le courant alternatif du réseau électrique en courant continu, qui est stocké dans 60 tonnes de condensateurs. L’énergie des condensateurs est transférée aux aimants, puis réabsorbée, via un système de 14 convertisseurs de puissance agencés selon une architecture inédite. « Les convertisseurs que nous utilisons sont les mêmes que ceux employés pour des paquebots, comme le Queen Mary 2, explique Jean-Paul Burnet, Chef du groupe Convertisseurs de puissance, qui a dirigé le projet de bout en bout, En revanche, l’architecture du circuit est totalement innovante. » La topologie, développée avec l’EPFL, a d’ailleurs été brevetée. C’est cette architecture qui permet de parvenir à la puissance de pointe et d'imposer le rythme du PS.

Une autre difficulté était de trouver une société capable de fabriquer ce système hors du commun. « La solution nécessitait beaucoup de développements, avec des risques industriels inhérents », souligne Jean-Paul Burnet. Converteam, entreprise leader dans les convertisseurs de puissance, notamment pour la marine, s’est lancée dans l’aventure. En 2009, le système était installé sur site et connecté à une ligne de tests de 10 aimants du SPS. Les essais effectués depuis sont concluants. Le cauchemar de Freddy s’est dissipé. Mais POPS devra attendre le prochain arrêt prolongé des accélérateurs, en 2012, pour être connecté au PS et la vieille machine tournante pourra enfin prendre sa retraite.



Le saviez-vous ?

Stocker efficacement l’énergie électrique est le Graal des électrotechniciens. Les batteries ou les condensateurs ont des capacités de stockage limitées. C’est pourquoi, par exemple, la voiture électrique reste encore marginale, chargée d’imposantes batteries pour une autonomie limitée. « Pour se faire une idée, l’énergie de 14 mégajoules nécessaire à alimenter les aimants du PS est équivalente à l’énergie contenue dans un tiers de litre d’essence », remarque Jean-Paul Burnet, chef du groupe Convertisseurs de puissance. Or, il faut 60 tonnes de condensateurs logés dans six conteneurs pour stocker cette énergie qui remplirait à peine... le réservoir d’une petite tondeuse à gazon. Les condensateurs ont pourtant fait d’importants progrès : à énergie équivalente, leur volume a été divisé par cinq en quinze ans. De nouveaux systèmes plus efficaces que les condensateurs classiques ont certes vu le jour, comme les bien nommés supercondensateurs. Une tonne de supercondensateurs aurait pu fournir l’énergie, mais leur temps de vie est limité à quelques milliers de cycles de charge et de décharge. « Or, nous avions besoin d’assurer 200 millions de cycles sur 20 ans de durée de vie », remarque Jean-Paul Burnet. Heureusement, la place n’étant pas un problème majeur sur le site du PS, la solution des condensateurs a pu être adoptée. 

par CERN Bulletin