ALICE : le meilleur reste à venir

Si les collisions ion-ion sont le pays des merveilles d’ALICE, la collaboration a toutefois mis à profit la période d’expérimentation avec protons pour approfondir sa connaissance du détecteur et obtenir ses premiers résultats dans le domaine de la chromodynamique quantique (CDQ). Cette phase préparatoire très fructueuse va maintenant lui permettre d’entrer dans le territoire inexploré du plasma quark-gluon aux énergies extrêmes générées par le LHC.

 

Le détecteur ALICE est optimisé pour l’étude des collisions ion-ion dans lesquelles un plasma quark-gluon est susceptible de se former. Ce type de matière, qui existait dans les instants qui ont suivi le big bang, apparaît lorsque les quarks et les gluons sont déconfinés ; ils forment alors une soupe extrêmement dense et chaude. Il a été étudié au SPS du CERN dans les années 90 puis, à des énergies beaucoup plus élevées, à partir de 2000, au RHIC (États-Unis). Au tour d’ALICE d’entrer en piste à présent. « Le plasma quark-gluon est créé à des températures très élevées, mais il se refroidit très vite pour redevenir de la matière ordinaire. L’énergie élevée du LHC nous place bien au-dessus de son seuil de formation. Le plasma restera donc sous cette forme plus longtemps, ce qui nous permettra d’en d’étudier les propriétés plus en détail », explique Jurgen Schukraft, porte-parole d'ALICE.

Il existe un certain nombre de prédictions très claires sur ce qui devrait changer ou non pas rapport à l'expérimentation au RHIC. « Au RHIC, les scientifiques ont découvert que ce nouvel état de la matière se comporte comme un fluide parfait, dépourvu de viscosité. La surprise fut de taille. À présent, il nous faut voir si ce nouvel état de la matière reste un fluide parfait aux énergies du LHC. Nous pensons que oui. Si nous observons qu’il se comporte de manière très différente, il nous faudra alors étudier soigneusement ses propriétés », souligne Jurgen Schukraft. Si les conditions expérimentales au LHC sont favorables, la collaboration sera, espérons-nous, en mesure d’observer ces propriétés fondamentales très rapidement, dès les premières semaines de la période d’exploitation avec ions qui vient de débuter.

La mise en route rapide et efficace du détecteur ALICE a été rendue possible par tous les travaux réalisés par la collaboration pendant l’exploitation avec protons. « La première période d’exploitation du LHC nous a permis de comprendre précisément notre détecteur et également de tester toute la chaîne de traitement jusqu’à l’analyse des données, poursuit-il. En effet, pour comprendre vraiment ce qui se passe dans les collisions d’ions lourds, il nous fallait mesurer soigneusement les processus qui se produisent dans les collisions de protons. C’est ce que nous appelons des données de comparaison. Elles constituent le premier étage d’un édifice, qui s’apprête maintenant à en accueillir un deuxième. »

Les données recueillies pendant l’exploitation avec protons ont également servi à ajuster les simulations de Monte Carlo qu’utilisent les physiciens pour modéliser ce qui se passe dans les processus de physique. Les données réelles nous ont permis de corriger certains paramètres erronés de simulation. Parfois, les paramètres utilisés dans le Monte Carlo différaient d’un facteur quatre de la valeur qu’ils auraient dû avoir », ajoute Jurgen Schukraft.

Enfin, dans les premiers mois de la prise de données avec des faisceaux de protons, ALICE a pu obtenir quelques résultats intéressants sur des questions non résolues de la CDQ, comme ce qu’il advient du nombre baryonique et de sa distribution lorsque deux protons entrent en collision à très haute énergie. Après avoir posé des bases solides, la collaboration ALICE a bon espoir que ses premiers pas dans le pays merveilleux des ions seront à la hauteur de ses attentes.

par CERN Bulletin