LHCb à la recherche des moindres failles du Modèle Standard

LHCb révèlera demain ses résultats qui jetteront un éclairage nouveau sur la mesure de violation de CP possible rapportée récemment par les expériences du Tevatron et qui diffère des prédictions du modèle standard. Pauline Gagnon, blogueuse du CERN pour les Quantum Diaries, explique comment.

 

LHCb, une des expériences du Grand collisionneur de hadrons (LHC) a été conçue spécialement pour étudier la violation de charge-parité (CP), ou en d’autres mots, expliquer pourquoi on trouve plus de matière que d’antimatière dans notre univers. Ceci est vraiment difficile à comprendre parce qu’en laboratoire, matière et antimatière sont toujours produites en quantités égales. D’où cette loi en physique dite de conservation de CP qui stipule que la nature n’a pas de préférénce entre matière et antimatière. Alors pourquoi la matière a-t-elle pris le dessus lors de la formation de notre univers après le Big Bang?

Une façon indirecte mais efficace d’aborder ce problème est d’étudier les désintégrations des quarks b. Etant lourds, ils peuvent se désintégrer de multiples façons, mais ils sont assez légers pour qu’on puisse les produire copieusement, contrairement aux quarks les plus lourds, les quarks « top ». De plus, le Modèle Standard, la théorie actuelle infaillible jusqu’ici, prédit avec une grande exactitude les taux de ces différents types de désintégrations. Il suffit donc de regarder si ce qu’on mesure avec le détecteur LHCb concorde avec ces prédictions. La moindre déviation indiquerait une faille du Modèle standard, preuve que l’on n’a encore jamais réussi à produire, même si tous les physiciennes et physiciens sont convaincu-e-s que ce modèle est incomplet. Mais jusqu’à présent, personne n’a encore réussi à le prendre en défaut.

Voici comment la collaboration LHCb entend s’y prendre : en étudiant les types de désintégrations rares avec la plus grande précision jamais atteinte.

Les collisions d’électrons ou de protons dans les accélérateurs de particules produisent des quarks b qui s’accompagnent toujours d’autres quarks plus légers (u, s ou c) pour former des particules composites appelées mésons B. Cela a souvent été fait et en abondance dans des « usines à b » aux Etats-Unis et au Japon, mais aussi avec le Tevatron, un accélérateur similaire au LHC près de Chicago, et maintenant à Genève  avec le LHC.

Dans les usines à b, on a étudié en détail les modes de désintégration de ces mésons B mais sans jamais réussir à trouver la brèche dans l’édifice du Modèle Standard, et ce malgré les 470 millions de paires de mésons B passées au peigne fin. Tout concordait avec les prédictions. En s’attaquant aux désintégrations les plus rares, celles qui ne devraient se produire qu’une fois sur un milliard, LHCb a une meilleure chance de détecter la moindre anomalie, ce qui révèlerait pour une première fois ce qui se cache au-delà du Modèle standard. Mais pour ça, il faut étudier des milliards de collisions.

Récemment, les expériences du Tevatron, D0 et CDF, ont pris les devants en mesurant des désintégrations très rares de Bs à m m, quand un méson Bs (fait d’un quark anti-b et d’un quark s) se brise en une paire de muons (dénoté μ), une particule semblable à l’électron mais plus lourde. La collaboration CDF a mesuré un taux légèrement supérieur aux prédictions théoriques, mais l’imprécision de cette mesure ne permet pas d’en avoir le cœur net.

On peut aussi mesurer un autre paramètre, φs, qui est relié à la distribution angulaire des débris de désintégrations quand Bs → J/ψ φ , c-à-d quand un méson Bs se brise en deux autres mésons de type J/ψ et φ. Ce paramètre devrait être zéro mais CDF et D0 ont mesuré une valeur différente de zéro, mais avec une précision encore une fois insuffisante pour en être sûr.

Et c’est ici que LHCb entre en scène. Grâce au nombre impressionnant de collisions fournies par le LHC,  LHCb surpasse déjà  la précision atteinte par le Tevatron non seulement pour  Bs à μμ, mais aussi pour φs. Déjà en juillet, LHCb et CMS, une autre expérience du LHC, ont réfuté le résultat de CDF. Et samedi,  LHCb dévoilera ses résultats sur φs à une grande conférence de physique actuellement en cours à Mumbai en Inde.

Est-ce que φs, sera en accord avec le Modèle standard ou pas? Chose certaine, avec la précision sans précédent déjà atteinte par LHCb, si ce n’est pas pour cette fois-ci, ce pourrait être que partie remise!

Pauline Gagnon pour le blog du CERN sur le site web Quantum Diaries.