Des détecteurs à l’étude

Les équipes chargées de développer des détecteurs pour collisionneur linéaire, au CERN comme dans d’autres laboratoires, passent à présent à la technologie des détecteurs de la prochaine génération. Si leurs travaux se concentrent sur les détecteurs pour collisionneur linéaire de haute énergie, leurs idées et leurs conceptions novatrices pourront servir à tous les futurs détecteurs.

 

Représentation d'un événement simulé dans l'un des détecteurs de nouvelle génération.

« Bien que les expériences LHC restent le summum de la technologie des détecteurs, vous seriez surpris d'apprendre que les travaux de conception et le savoir-faire qui la sous-tendent ont plus de dix ans, explique Lucie Linssen, responsable du projet Détecteurs pour collisionneur linéaire (LCD) au CERN, et dont le groupe est à la pointe de la recherche sur la conception de détecteurs. La prochaine génération de détecteurs devra surpasser les performances des expériences LHC. La tâche n’est pas facile mais, en observant les détecteurs actuellement en exploitation, et en mettant à profit une décennie d’avancées technologiques, nous avons fait des progrès significatifs. »

L’équipe du projet LCD travaille actuellement sur les détecteurs de l’expérience CLIC. « Les collisionneurs électron-positon comme CLIC exigent des détecteurs beaucoup plus précis que ceux du LHC, explique Lucie Linssen. Nous avons étudié diverses techniques pour répondre à ce besoin de précision et à d’autres spécificités du CLIC. Un grand nombre d’entre elles avaient été conçues pour de précédents collisionneurs linéaires et ont depuis été adaptées aux paramètres très particuliers du CLIC. » Les travaux de l’équipe ont débouché sur deux modèles de conceptions, qui ont été publiés dans le rapport préliminaire de conception du CLIC (CDR).

De prime abord, les expériences du collisionneur linéaire paraissent très similaires à CMS. Toutefois, elles intègrent un certain nombre de nouveaux éléments visant à améliorer l’efficacité et la précision des détecteurs, comme :

- des détecteurs à vertex plus précis : le détecteur à pixels au cœur des modèles de détecteurs pour collisionneur linéaire comptera jusqu’à 40 fois plus de canaux de lecture, et la taille des pixels sera beaucoup plus réduite (environ 20 x 20 μm2 contre 100 x 150  μm2 pour CMS) ;

- une analyse des flux de particules : cette technique combine des informations venues de différentes parties du détecteur de manière à extraire le plus de connaissances possible sur chaque particule, y compris celles contenues dans des jets. Pour tirer pleinement parti de cette technique, les expériences du collisionneur linéaire mettent au point des calorimètres dotés d’une granularité ultrafine ; 

- des calorimètres en tungstène : du fait de l’énergie de collision élevée du CLIC (jusqu’à 3 TeV), les calorimètres conçus par l’équipe du projet LCD doivent être à la fois profonds et denses pour éviter des fuites d’énergie. Pour cela, les calorimètres hadroniques qui ont été conçus utilisent des absorbeurs en tungstène au lieu du traditionnel acier. Le tungstène étant extrêmement dense, on peut obtenir la profondeur requise sans accroître démesurément la taille du détecteur. Pour plus d’informations sur les calorimètres en tungstène du CLIC.

Des calorimètres d'ultra-fine granularité permettent de reconnaître les particules au sein des jets.

L’équipe du projet LCD a mené six analyses de physique pour étudier le potentiel pour les découvertes et la physique de précision de leurs études de conception du CLIC. Ces analyses ont consisté à utiliser des simulations d’événements de physique et de bruit de fond et à les superposer pour créer un environnement « réel » de collisions électron-positon. Les données ont alors été envoyées vers un modèle informatique de détecteur pour obtenir une lecture réaliste. Enfin, avec l’aide d’un logiciel ultra-spécialisé, les signaux de physique ont été extraits du système de lecture du détecteur.

En comparant les événements entrants aux signaux extraits, l’équipe du projet LCD a pu, par exemple, calculer les propriétés du boson de Higgs et déterminer s’il s'agissait d’une particule élémentaire ou composite. Les analyses ont montré que la sensibilité à l’échelle de compositivité du Higgs est bien plus grande qu’au LHC.

« Nous devons continuer à développer la technologie des détecteurs. Toutefois, ces analyses ont montré la faisabilité de nos concepts de détecteurs, conclut Lucie Linssen. En fait, ils ne sont pas seulement réalisables, ils fournissent aussi des mesures d’un niveau de précision sans précédent pour des interactions qui ont uniquement été prédites par la théorie. »

Quel que soit le modèle de détecteur qui sera finalement retenu, sa conception intégrera certainement ces concepts.

par Katarina Anthony