L'antihydrogène bientôt apprivoisé ?

En juin 2011, la collaboration ALPHA a annoncé qu’elle avait réussi à piéger des atomes d’antimatière et à les conserver pendant 1 000 secondes. La semaine dernière, la collaboration a annoncé qu'elle avait réussi à modifier l’état interne de l’antihydrogène et à réaliser la première mesure de son spectre. La collaboration est en train d’installer un nouveau dispositif expérimental – ALPHA 2 – et compte bien poursuivre sans relâche son exploration de l’antimonde.

 

Le hall d'expérimentation d'ALPHA.

La presse du monde entier a salué la première annonce d'ALPHA comme une étape prometteuse sur la voie de la résolution d’une vieille énigme : pourquoi la matière et l’antimatière ne se sont-elles pas annihilées aux premiers instants de l’Univers, et donc, comment notre univers de matière peut-il exister ? Pour apporter une réponse, les scientifiques ont besoin de mieux comprendre le comportement de la matière et de l'antimatière. C’est pourquoi la collaboration ALPHA a commencé à étudier le spectre de l’antihydrogène.

Jusqu’à présent, la collaboration s’est efforcée de prouver qu’on peut modifier l’antihydrogène piégé en utilisant des photons à fréquence micro-onde afin d'opérer une transition entre les niveaux d'énergie internes des atomes. « Il y a un an, nous ne pouvions pas imaginer arriver à ce point, souligne Jeffrey Hangst, porte-parole d’ALPHA. Nous savions que nous avions piégé de l’antimatière, et nous avions déjà une idée de l’expérience que nous allions réaliser avec cette antimatière, mais nous ne pouvions pas savoir si nous allions réussir. »

L'expérience a été réussie. Alors que les résultats obtenus par la collaboration n’ont encore qu’une faible précision (avec une incertitude à la troisième décimale), le nouveau dispositif expérimental, ALPHA-2, pourrait permettre de mesurer le spectre de l’antihydrogène jusqu’à la quinzième décimale. « Dans le dispositif ALPHA, nous avons utilisé des micro-ondes afin de faire basculer le spin du positon de l’antihydrogène, explique Jeffrey Hangst. ALPHA-2, lui, nous permettra de créer des transitions de deux types différents dans l’antihydrogène : nous utiliserons l’excitation par micro-onde et par laser. »

Au lieu de faire basculer le spin du positon, les lasers du dispositif ALPHA-2 pourront agir sur son orbite : l’amener de l’état fondamental au premier état excité. Ces lasers produisent la fréquence optique beaucoup plus élevée requise pour entraîner ce type de transition atomique. « C’est une question fondamentale qui guide notre travail : est-ce que l’antihydrogène se comporte de la même manière que l’hydrogène ? explique Jeffrey. Peut-être qu’il n’y a aucune différence entre les deux, mais peut-être qu’il existe une différence, qui apparaît à la douzième décimale. Le nouveau dispositif ALPHA-2 nous permettra d’affiner nos mesures afin d’en avoir le cœur net. »


par Katarina Anthony