La Suède va accueillir une nouvelle source de neutrons

Actuellement en phase de développement, la première source de neutrons européenne devrait entrer en opération d’ici à la fin de la décennie. Objectif : produire des faisceaux de neutrons capables de pénétrer sans dommage jusqu’au cœur de la matière, pour en révéler les secrets.

 

Vue d'artiste de ce que devrait être l'ESS en 2019.

À l’extrême sud de la Suède, la ville de Lund s’apprête à accueillir la plus puissante source de neutrons du monde : l’ESS (European Spallation Source). Prévue pour entrer en construction au début de l’année prochaine, l’installation devrait être opérationnelle d’ici à 2019, date à laquelle elle produira ses premiers faisceaux de neutrons.

« L’ESS est le résultat d’une idée vieille de 20 ans !, souligne Mats Lindroos, responsable de la Division accélérateur d'ESS. Aujourd’hui, 17 pays européens soutiennent le projet, parmi lesquels la Suède, le Danemark et la Norvège, qui à eux seuls assurent 50 % du financement de la construction. »

Fruit d’une collaboration internationale également au niveau conceptuel, l’ESS bénéficie de l’expertise et du savoir-faire de grands centres de recherche européens. « Le CERN participe au développement de toute la partie accélérateur, explique Christine Darve, ingénieure responsable des modules de cryogénie. Pour la partie cible qui, dans le cas de l'ESS est en tungstène, nous travaillons surtout avec des spécialistes en physique nucléaire. »

L’ESS fonctionnera à une puissance de 5 MW, et il pourrait être envisagé d’atteindre des puissances plus élevées dans le futur. « À l’heure actuelle, il existe plusieurs sources de neutrons au monde : des sources pulsées tel que le SNS, aux États-Unis, qui fonctionne avec des faisceaux d’ions H- pouvant atteindre 1,4 MW ; et MLF, la source du J-PARC, au Japon, avec des faisceaux de protons pouvant atteindre 1 MW, mais qui est actuellement en cours de réparation suite à l’endommagement d’une partie de ses infrastructures par le tsunami, indique Christine Darve. ISIS, en Angleterre, permet aussi de réaliser des mesures, mais à plus faible puissance. Une source de faisceaux continus pouvant atteindre 1,4 MW, du nom de SINQ, est aussi en opération au Paul Scherrer Institute (PSI), en Suisse. La nouveauté du mode de fonctionnement de la source de l’ESS est qu’elle utilise non pas des faisceaux de proton continus, mais plutôt de ‘longs’ faisceaux pulsés à très haute puissance, permettant ainsi de bénéficier des deux concepts. »

De charge neutre, les neutrons sont un outil idéal pour sonder le cœur de la matière et en comprendre la structure sans l’altérer. « Les domaines d’application sont très variés, observe Christine Darve. Que ce soit en médecine, pour l’analyse de certaines protéines, dans le domaine des nanotechnologies, pour la mise au point de nouveaux matériaux, ou encore en archéologie, pour comprendre comment a été fabriqué tel ou tel objet, les possibilités qu’offrira l’ESS sont nombreuses. » (Voir le site de l’Institut Laue-Langevin et celui de la Société française de neutronique).

22 types de faisceaux de neutrons seront mis à disposition des 6 000 utilisateurs potentiels, en fonction des besoins de chaque expérience. Comme pour ISOLDE et d’autres « lignes de faisceau » au CERN, il s’agira de louer du temps de faisceau. « Des faisceaux de neutrons froids (grandes longueurs d’onde) et de neutrons thermiques (moyennes et courtes longueurs d’onde) seront mis à la disposition des utilisateurs, précise Christine Darve. Ces derniers seront aussi bien des chercheurs dans le domaine industriel qu’académique. » 

Autre avantage, sur le même site que l’ESS, une autre installation de pointe est actuellement en construction : le MAX IV, une source de rayonnement synchrotron de haute luminosité financée par la Suède. De quoi satisfaire les clients les plus exigeants, qui pourront, dans un rayon de quelques kilomètres, soumettre leurs matériaux à des études très poussées et complémentaires.


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par Anaïs Schaeffer