Des neutrons de haut vol pour le CERN

Le Conseil du CERN vient de donner son feu vert à la construction d’une seconde zone d’expérimentation pour n_TOF – la source de neutrons du CERN. Cette nouvelle structure fournira à la communauté scientifique un flux de neutrons plus important, ce qui signifie une meilleure sensibilité pour les expériences. La nouvelle ligne de faisceaux offrira de nouvelles possibilités de recherches concernant notamment des applications à l’énergie nucléaire, l’astrophysique nucléaire, la physique nucléaire fondamentale, la dosimétrie ou encore les effets des radiations.

 

Le calorimètre 4π à l'intérieur de la zone expérimentale de n_TOF. (Image : collaboration n_TOF).

Le projet prévoit de construire un couloir de vol vertical d’environ 20 mètres de long au-dessus de l’actuelle cible de production de neutrons, ainsi qu’un nouveau local d’expérimentation – Experimental Area 2 (EAR-2) – dans les locaux du bâtiment 559. EAR-2 sera situé au-dessus de la cible de production de neutrons, et reposera partiellement sur le bâtiment des ISR. « Le local sera situé dans un bunker, lequel sera connecté aux installations souterraines de n_TOF par un conduit de 60 cm de diamètre, explique Enrico Chiaveri, porte-parole de la collaboration n_TOF. Étant donné le poids prévisible du bunker, il faudra construire pour le soutenir des piliers d'environ 12 mètres de hauteur s'appuyant sur la structure en béton du tunnel de n_TOF. »

Les physiciens utilisent des neutrons situés dans une gamme d’énergies allant du meV au GeV, créés à partir d’un faisceau primaire (faisceau pulsé de protons), pour étudier les réactions causées par les neutrons dans des échantillons donnés, ceux-ci étant souvent radioactifs. L’étude de telles réactions est pertinente pour de nombreux domaines, tels que la technologie de transmutation des déchets nucléaires, les technologies nucléaires et l’astrophysique nucléaire, ainsi que l’évolution stellaire. Les faisceaux de neutrons situés dans une large gamme d’énergies sont aussi utilisés pour la recherche fondamentale, les applications médicales, la dosimétrie et l’étude des effets des radiations. EAR-2 aura des capacités améliorées, ce qui permettra aux chercheurs d’étudier des processus et des isotopes qui restaient jusqu'à présent hors de leur portée, et ce avec une précision jamais atteinte. « Le nombre de neutrons atteignant l'emplacement de l'échantillon étant en moyenne multiplié par 25, explique Enrico Chiaveri, il sera possible de prendre des mesures sur des échantillons beaucoup plus petits, moins de 1 mg dans certains cas. C’est très important quand on travaille sur des échantillons instables et quand le matériau utilisé est particulièrement rare. De fait, les limites liées à la masse des échantillons sont un facteur crucial en astrophysique et dans le domaine des technologies nucléaires. Pour certains isotopes, EAR-2 pourrait nous permettre de réaliser des mesures complètement inédites. »

Modèle 3D de la nouvelle installation EAR-2.

EAR-2 fonctionnera en parallèle avec l'installation existante EAR-1 située à environ 200 mètres de la cible de production de neutrons. « n_TOF est déjà unique au monde parce qu’elle assure un flux instantané de neutrons et un niveau de bruit très bas ; la nouvelle ligne de neutrons fournira un flux par impulsion 25 fois plus élevé en 10 fois moins de temps. Cela réduira considérablement le niveau de bruit et augmentera la sensibilité de l’expérience », ajoute Enrico Chiaveri.

La nouvelle structure sera construite pendant le premier long arrêt technique (LS1) des accélérateurs prévu en 2013-2014, et les premiers faisceaux seront produits au cours de l’été 2014. n_TOF, qui disposera bientôt de deux lignes de faisceaux de neutrons, devient de plus en plus attractive pour la communauté scientifique ; sept nouveaux instituts ont d’ailleurs rejoint la collaboration ces deux dernières années, et d’autres suivront probablement d’ici peu. L’avenir s’annonce prometteur.

par Antonella Del Rosso