Que signifie ce résultat ?

L’existence d’indices probants d’une nouvelle particule dont la masse se situe au voisinage de 125-126 GeV va-t-elle changer notre interprétation de l'Univers ? Le théoricien Ignatios Antoniadis apporte quelques explications aux lecteurs du Bulletin.

 

Ce matin, mercredi 4 juillet, dans l'auditorium principal du CERN.

La nouvelle d’aujourd’hui est-elle une réponse à nos questions, ou la première d’une nouvelle série de questions sur la nature ?

Ignatios Antoniadis : Sur la base des données actuelles, cette nouvelle particule ressemble bien au boson de Higgs tant attendu. Le résultat obtenu est une indication importante à cet égard. Toutefois, les propriétés de la nouvelle particule n’ont pas encore été entièrement étudiées, et une réponse définitive ne pourra donc être donnée qu’après une analyse approfondie.

La prochaine étape consistera à étudier les taux de désintégration de la nouvelle particule. Les particules sont caractérisées par leur masse, mais également par leur taux de désintégration. Si nous découvrons que cette nouvelle particule se désintègre selon les modes prévus et conformément aux taux prévus selon le Modèle standard, nous serons en mesure de l'identifier vraiment comme étant celle responsable de la brisure de la symétrie électrofaible (*).

Et dans le cas contraire ?

Ignatios Antoniadis : Dans le cas contraire, nous devrons déterminer s’il faut apporter de petits ajustements au Modèle standard afin de tenir compte de l'existence de la nouvelle particule, ou s'il s’agit de rechercher des processus d’une nouvelle physique afin d’expliquer sa nature.

Restons sur le Modèle standard. Que nous apprend la nouvelle particule ?

Ignatios Antoniadis : S'il est confirmé que la nouvelle particule est un boson de Higgs du Modèle standard, nous devons admettre qu'elle est relativement légère, plus légère que ce que prévoyait une grande partie des physiciens des particules il y a encore quelques mois.

Le champ de Higgs associé au boson serait toujours présent dans l’Univers, mais il faudra peut-être modifier notre conception. Compte tenu de la faible masse du boson, le potentiel qui décrit le champ pourrait par exemple présenter deux minima au lieu d’un seul. À ce jour, l’Univers est positionné sur l’un des deux minima, mais la mécanique quantique pourrait permettre une transition vers le second minimum. Cela, à mon sens, pourrait signaler l'existence d’une nouvelle physique qui compenserait cette instabilité (**).

Le résultat actuel a-t-il déjà permis d’exclure certaines descriptions possibles de l’Univers faites précédemment ?

Ignatios Antoniadis : Oui. En raison de sa faible masse, ce boson de Higgs nous a déjà permis d'écarter la théorie dite « Technicolor », ainsi que certains des modèles théoriques utilisés dans la supersymétrie. Cependant, d’autres scénarios, supersymétriques ou non, de même que des théories extradimensionnelles, pourraient toujours s’appliquer.

Laissons de côté le Modèle standard un instant. Que nous apprend la nouvelle particule ?

Ignatios Antoniadis : Les propriétés de la nouvelle particule pourraient être différentes de celles prédites par nos théories actuelles. Dans ce cas, afin d'élaborer les scénarios théoriques correspondant à la nouvelle description de l’Univers, il nous faudra connaître exactement les modes et taux de désintégration de cette particule. La bonne nouvelle pour les théoriciens est que les expérimentateurs pourraient nous donner cette information dans les mois à venir. Notre curiosité à tous sera bientôt satisfaite !

Ce résultat marque le début d’une nouvelle ère pour la physique, et pourrait bien entraîner d’autres découvertes.

 


Vous trouverez des articles de Peter Higgs, Robert Brout, François Englert, John Ellis, Giovanni Ridolfi, Fabio Zwirner, Ignatios Antoniadis et d’autres scientifiques à l’adresse suivante :
http://www.sciencedirect.com/science/journal/16310705/8/9

(*) Voir la question 2 de la foire aux questions.

(**) Une récente étude de l'instabilité possible du potentiel de Higgs (en anglais) est consultable à l'adresse suivante : http://arXiv.org/pdf/1205.6497.pdf


Propos recueillis par Antonella Del Rosso