Quelque chose qui nous dépasse

Maintenant que le calme est revenu, nous pouvons réfléchir à cette mémorable journée du 4 juillet dernier. Découvrir une nouvelle particule élémentaire, ça n'arrive pas tous les jours ; surtout une particule qui ouvre peut-être de nouvelles voies pour explorer les fondements de notre univers. Les dernières particules élémentaires à avoir été découvertes au CERN, les bosons W et Z, en 1983, ont valu à Carlo Rubbia et à Simon van der Meer de recevoir le Prix Nobel l’année suivante. Cette fois-ci, la consécration a pris une forme plus directe : l'événement a fait l’objet d'une couverture mondiale de la part de tous les types de médias. Le monde était aussi enthousiaste que nous.

 

La conférence a été suivie sur tous les continents, même en Antarctique. À Melbourne, où je me suis rendu immédiatement après la conférence du 4 juillet, l’ambiance était électrique. Au colloque Euroscience Open Forum (ESOF), à Dublin, où je suis allé ensuite, on peut dire que notre annonce a fait figure de vedette. Bien entendu, mon intervention à l'ESOF a porté sur notre découverte, mais je n'ai pas été le seul à l’évoquer. Dans son allocution, la commissaire européenne Máire Geoghegan-Quinn a notamment salué l’esprit de collaboration compétitive au CERN, et a déclaré qu’elle avait attendu fébrilement notre annonce. « Une nouvelle étape vient d’être franchie », a-t-elle déclaré. L’allocution de Mme Geoghegan-Quinn a été pour moi un moment fort de l’ESOF. Elle a défendu plusieurs idées chères au CERN : l’esprit de collaboration, le rassemblement de gens provenant d'horizons et de nations divers, et la valeur de la recherche inspirée par la seule curiosité humaine, conçue comme une fin en soi.

Les médias ont relayé notre annonce avec une certaine effervescence mais aussi avec beaucoup de sérieux. Dans un article du magazine The Economist, il a été écrit que la physique des particules est à l'Univers ce que l'ADN est à la vie, et aussi que pour le LHC, la découverte du boson de Higgs n’est qu’un amuse-bouche. Le quotidien espagnol El País a quant à lui salué la collaboration exemplaire qui a permis l'existence du LHC, exprimant l’espoir que cet exemple soit suivi dans d’autres domaines de la science, voire, de l’aventure humaine en général. Plus près d'ici, Le Temps a écrit que cette découverte scientifique était la plus importante depuis 50 ans.

Je n’irais pas jusque-là. D'après moi, aussi importante que soit cette découverte, il y en a bien d'autres qui méritent tout autant d’être mises en lumière. La science a progressé de nombreuses façons au cours des 50 dernières années, faisant ainsi évoluer pour le mieux notre manière de vivre et notre conception de notre place dans l'Univers. Pour moi, le plus important quand je vois comment le monde a accueilli notre annonce le 4 juillet dernier, c'est qu'à l'évidence les gens s'intéressent à la science. Pour reprendre les mots de Time Magazine : « Nous nous sommes arrêtés un instant pour contempler quelque chose qui nous dépasse. »

Rolf Heuer