Des cristaux dans le LHC

Des cristaux courbés peuvent servir à dévier des faisceaux de particules chargées. Leur utilisation dans des accélérateurs de haute énergie est à l’étude depuis une quarantaine d’années. Récemment, un cristal courbé a été irradié pour la première fois dans l’installation HiRadMat par un flux de particules extrêmement élevé, auquel des cristaux devront pouvoir résister dans le LHC. Les résultats sont très encourageants et ont confirmé que cette technique pourrait jouer un grand rôle pour optimiser la collimation du faisceau dans le cadre des futures améliorations de la machine.

 

Un cristal courbé testé avec un laser dans le cadre de l'expérience UA9.

Du fait de leurs interactions avec le cristal, les particules chargées peuvent se trouver piégées et canalisées entre les plans d’atomes du réseau cristallin, dont elles suivent alors la courbure (voir l’encadré). L’idée d’utiliser des cristaux courbés pour manipuler le faisceau dans les accélérateurs de particules a fait l’objet de nombreuses études. Au cours des trois dernières décennies, beaucoup de résultats expérimentaux ont contribué à étendre nos connaissances et à améliorer nos compétences en matière de contrôle des interactions cristal-particules.

Dans les collisionneurs de hadrons modernes tels que le LHC, le halo de particules entourant le cœur du faisceau peut entraîner des pertes représentant une puissance importante dans des zones sensibles de l’accélérateur, pertes susceptibles de compromettre la stabilité de l’exploitation et la protection de la machine. Des systèmes de collimation à plusieurs étages sont ainsi utilisés pour les absorber. Selon les explications de Walter Scandale, le porte-parole d’UA9, « l’expérience UA9, financée par le CERN, l'INFN, l’Imperial College, le LAL, le PNPI, l’IHEP et le JINR, a été mise sur pied en 2008 pour examiner les avantages que présente l'utilisation des cristaux courbés dans les systèmes de collimation des collisionneurs de hadrons de haute énergie. Un cristal courbé remplaçant le collimateur primaire peut dévier le halo incident de manière cohérente à des angles plus grands que ne le permettent des matériaux amorphes. Cela pourrait augmenter la capacité des cristaux à couper les halos des faisceaux du LHC de plus haute intensité, spécialement en cas de problèmes d'exploitation à de plus hautes énergies. »

À partir de 2009, des cristaux de silicium ont été testés au SPS et leur efficacité a été mesurée à l’aide des détecteurs Medipix. En 2011, après les essais concluants réalisés au SPS, le Comité des expériences LHC a approuvé l’expérience LUA9 pour tester l’idée au LHC. « Lorsqu'on utilise des cristaux courbés pour la collimation, l’intégralité de la puissance des particules du halo se dépose dans une toute petite zone du collimateur, explique Walter Scandale. Nous savions qu’à l’intensité nominale du LHC les cristaux devraient extraire un flux de protons avec des pertes régulières allant jusqu’à 500 kW à court terme dans une surface de seulement quelques millimètres carrés. Un système d'absorption passif supplémentaire ponctuel devrait être conçu pour assurer une collimation de haute performance. »

Un défi supplémentaire pour la collaboration LUA9 est d’orienter le cristal de manière optimale pour la canalisation. L’opération exige d’utiliser des mécanismes d’alignement d’une précision angulaire allant au-delà des techniques les plus avancées. Des dispositifs permettant d’orienter le cristal dans le LHC sont en cours de développement en partenariat avec diverses entreprises industrielles. Les résultats des premiers essais sont très encourageants. « Des cristaux courbés possédant les propriétés requises seront installés au LHC à temps pour pouvoir mener des tests après le long arrêt technique. Cela sera réalisé en étroite collaboration avec l'équipe de collimation du LHC, conclut Walter Scandale. L’objectif est d’améliorer fortement l’efficacité de la collimation, en particulier pour les faisceaux d’ions plomb. »

Pourquoi les particules sont-elles canalisées dans des cristaux ?

Les particules chargées connaissent des interactions particulières avec les cristaux en raison de l’anisotropie du milieu. La trajectoire d’une particule positive se déplaçant à petit angle par rapport aux plans cristallins est fortement influencée par le potentiel répulsif moyen le long des plans atomiques. La canalisation des particules résulte de leur confinement par le puits de potentiel formé entre des plans cristallins voisins.

 

par Antonella Del Rosso