Plus long, plus rapide et plus pur

Un nouveau piège à ions, le MR-ToF-MS, a été intégré à ISOLTRAP, l’installation expérimentale qui effectue des mesures de haute précision de la masse des nucléides de courte durée de vie produits à ISOLDE. Qu'il soit utilisé en tant que séparateur de masse ou spectromètre, il étend la portée expérimentale d’ISOLTRAP vers les frontières de stabilité des noyaux.

 

Susanne Kreim, responsable du groupe local d'ISOLTRAP au CERN, devant une partie de l'installation.

Lorsque des dispositifs d’expérimentation visant à effectuer des mesures de masse, tels qu’ISOLTRAP*, sont placés dans une installation à faisceau d’ions radioactifs obtenus par séparation en ligne, ils doivent relever un grand défi : le transfert rapide et efficace du nucléide examiné jusqu’au lieu où sa masse sera mesurée. La plus grande quantité de nucléides du type concerné, dépourvue de contaminants, doit être transférée jusqu’à l’installation aussi vite que possible afin de mesurer leur masse avec la plus grande précision. Récemment, la collaboration ISOLTRAP a installé un nouveau dispositif qui permet d’accélérer la séparation des isobares**. Cela a considérablement accéléré le processus de purification d’ISOLTRAP et a donné accès à des noyaux plus exotiques.

« Le séparateur de masse à temps de vol multi-réflecteur (MR-ToF-MS) est un complément précieux de l’installation ISOLTRAP, explique Susanne Kreim, boursière au CERN et chef du groupe local d’ISOLTRAP.  En raison de pertes par désintégration, il est très difficile d’effectuer des mesures sur les nucléides dont la demi-vie est beaucoup plus courte que la durée minimale d’un cycle de mesure. Le MR-ToF-MS permet maintenant de séparer beaucoup plus vite les isobares et de surmonter cette limite liée à la demi-vie. »

« Le MR-ToF-MS sépare les isobares du faisceau d’ISOLDE à l’aide de deux miroirs à ions électrostatiques pour prolonger leur trajectoire », explique Robert Wolf, un doctorant de l’Université de Greifswald (Allemagne), où cette section la plus récente d’ISOLTRAP a été construite et assemblée. Son collègue de Greifswald, Frank Wienholtz, également doctorant, précise : « Comme la vitesse des isobares dépend de leur masse, une longue trajectoire est nécessaire pour séparer l’ion recherché d’autres ions ayant des masses légèrement différentes. Grâce aux miroirs, les trajectoires des ions peuvent être des milliers de fois plus longues que celle de ce dispositif compact. Au cours de tests récents sur les performances du dispositif, nous avons fait parcourir 34 km aux ions ! Une distance plus longue qu’un tour dans l’anneau du LHC, alors que notre dispositif ne fait qu’un mètre de long. »

Un détecteur d'ions a été intégré à gauche du séparateur de masse à temps de vol multi-réflecteur (MR-ToF-MS) afin de l'utiliser comme un spectromètre.

Plus récemment, la collaboration ISOLTRAP a intégré un détecteur d’ions derrière l’analyseur de masse MR-ToF, afin de l'utiliser comme spectromètre. Par sa capacité à effectuer des mesures de haute précision sur les masses, il est à même de mesurer celles de nouveaux noyaux exotiques et augmente considérablement la capacité de mesure d’ISOLTRAP. « Actuellement, le MR-ToF-MS est le seul dispositif de ce type intégré dans une installation en ligne qui ait déjà été capable de déterminer la masse du ion à des taux de production ne dépassant pas quelques ions par minute et des demi-vies inférieures à 50 ms », explique Susanne Kreim.

Avec le MR-ToF MS, l’expérience ISOLTRAP aura accès à des noyaux encore inconnus, à la périphérie de la charte des noyaux. Plus qu’une simple amélioration des performances d’ISOLTRAP, cela ouvre la possibilité d’étudier les nucléides situés à la limite de la zone des noyaux stables, sur ladite « dripline », où la force nucléaire n’est plus assez intense pour maintenir les protons et les neutrons liés dans le noyau.


La Communication interne du CERN organise des visites d’ISOLDE.
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Isotopes thérapeutiques.



*L’expérience ISOLTRAP, dont les équipements sont installés dans le hall d’ISOLDE, est menée par la collaboration ISOLTRAP, qui comprend une vingtaine de scientifiques de CSNSM (Orsay), de FAIR et du GSI (Darmstadt), d’ISOLDE, de la KU Leuven, du MPIK Heidelberg, du RIKEN Nishina Center, de l’Université technique de Dresde, de l’Université de Greifswald, de l’Université d’Istanbul et de l’Université de Manchester.

** Les isobares sont des nucléides qui possèdent le même nombre de nucléons, mais des combinaisons différentes de protons et de neutrons.

par Caroline Duc