AEgIS : installation terminée

La gravitation. Ce phénomène a été décrit il y a plus de trois cents ans, mais reste la moins connue des forces fondamentales explorées par les physiciens. Au CERN, à l’expérience AEgIS, qui vient de terminer ses travaux, une équipe a entrepris d’examiner l'effet de la gravité sur un domaine encore inexploré : l’antimatière.

 

L'installation de l'expérience AEgIS.

Situé dans le hall AD, l’expérience AEgIS a pour objectif d'effectuer la première mesure directe de l'effet de la gravité terrestre sur l'antimatière. En faisant passer un faisceau d’atomes d’antihydrogène dans une grille très fine, l’expérience pourra mesurer dans quelle mesure les atomes d’antihydrogène « tombent », et le temps que cela leur prend, ce qui donnera une mesure du couplage gravitationnel.

« Fin 2012, nous avions fini d’assembler tous les éléments de l’expérience, explique Michael Doser, porte-parole d’AEgIS. Maintenant, il nous reste à démontrer que ces éléments peuvent fonctionner tous ensemble et, malheureusement, nous n'aurons pas de faisceaux d'antiprotons pendant un long moment en raison de l'arrêt de la machine. »

Au lieu d’attendre deux ans pour le retour des faisceaux dans le hall AD, l’équipe d'AEgIS a trouvé une autre solution. Puisqu'ils ne peuvent pas travailler sur l'antihydrogène, pourquoi ne pas utiliser de l’hydrogène ? En remplaçant les antiprotons par sa propre source de protons, AEgIS pourra fabriquer son propre faisceau d'hydrogène, qu'elle pourra utiliser pour mettre en service et tester l'installation. « Nous voulons être certains que nous savons comment fabriquer de l’antihydrogène et former de l'hydrogène constituera un bon test, explique Michael Doser. Si nous réussissons à fabriquer de l’hydrogène cette année, ce sera un grand pas en avant ; et si nous arrivons à fabriquer les faisceaux d’hydrogène l’année prochaine, alors nous serons sur la bonne voie. » Curieusement, effectuer l’expérience avec de l’hydrogène sera techniquement plus difficile que cela ne le serait avec de l’antihydrogène, et l’équipe d'AEgIS doit repousser les limites de la technologie pour mettre au point un détecteur approprié.

Une importante difficulté sera de produire le positronium* qui servira à créer l’hydrogène. L’équipe d'AEgIS va se heurter à la même difficulté que Boucles d’or : il faut que le positronium soit juste comme il faut, ni trop rapide, ni trop lent. « Le positronium doit être assez rapide pour ne pas se désintégrer avant de rencontrer les protons/antiprotons, explique Michael Doser. Mais s’il est trop rapide, il va doubler les protons/antiprotons. Trouver la bonne vitesse va prendre du temps, et ce sera la première chose sur laquelle nous devrons travailler. »

L’équipe d'AEgIS effectuera cette mise en service au cours des prochains mois. Le mois prochain, elle ouvrira l’installation pour réaliser les réglages nécessaires, et pour mettre en place un détecteur d’hydrogène et une source de protons.


* Positronium : ensemble constitué d’un électron et d’un positon dans un état lié.

par Katarina Anthony