Sur les traces de l’entente franco-allemande

À l’occasion du cinquantenaire du Traité de l’Élysée entre la France et l’Allemagne, qui mit en place une collaboration entre les deux pays pour pérenniser la paix, de jeunes collégiens sont partis à la recherche de l’amitié franco-allemande au CERN.

 

Sous la chambre à bulles du jardin du Microcosm, Robert Jacob révèle les secrets du projet BEBC aux collégiens du Pays de Gex et à leurs correspondants allemands.

Le 22 janvier 1963, Konrad Adenauer, chancelier de l'Allemagne, et Charles de Gaulle, président de la France, signaient le Traité de l’Élysée. Ce traité d’amitié scellait un partenariat entre leurs deux pays, qui s’étaient déchirés au cours de plusieurs guerres dévastatrices. Cinquante ans plus tard, des collégiens du Pays de Gex et leurs correspondants allemands sont partis sur les traces de l’amitié franco-allemande. Comment le partenariat entre les deux pays s’est-il construit dans la région ? Qui en furent les artisans ? Ces questions les ont menés jusqu’au CERN, pour une journée sur le thème de la collaboration franco-allemande. Là, ils ont rencontré deux hommes qui ont collaboré dans les années 60 et 70 : l’Allemand Horst Wenninger, ancien physicien et directeur du CERN, et le Français Robert Jacob, ancien technicien. « Juste après la Seconde Guerre mondiale, le CERN fut le premier projet pour lequel les Allemands ont pu retravailler avec les autres nations européennes. C’était dix ans avant le traité franco-allemand, leur a raconté Horst Wenninger. La collaboration entre les nations dans le domaine scientifique était plus simple que dans d’autres domaines. »

C’est ainsi que les projets scientifiques furent parmi les premiers à permettre au traité de prendre corps. Robert Jacob fut envoyé en Allemagne dès 1963, pour installer une chambre à bulles dans le tout jeune laboratoire DESY. « Nous avons été très bien accueillis par nos collègues allemands, avec lesquels nous avons travaillé sans aucun problème. Mais nous n’évoquions jamais la guerre », se souvient-il. 

Recruté au CERN en 1964, Robert Jacob travailla sur le projet de grande chambre à bulles européenne BEBC, un projet phare de la collaboration franco-allemande dans le domaine de la recherche fondamentale puisqu’il faisait l’objet d’un partenariat tripartite entre l’Allemagne, la France et le CERN. Horst Wenninger en devint l’un des responsables. « Le cœur de l’équipe était franco-allemand, se souvient-il. Nous n’avions ni problèmes de culture, ni problèmes de langue. Nos manières de travailler se complétaient. »

Cinquante ans après, la question de l’entente franco-allemande se pose-t-elle encore ? Les jeunes collégiens ont interrogé des tandems de physiciens français et allemands qui coopèrent quotidiennement dans les expériences du LHC. La collaboration a même pris un tour plus personnel pour certains d’entre eux, comme pour Etiennette Auffray, physicienne de CMS, qui a rencontré son futur époux, allemand, lors de sa thèse au CERN : « Nous devons remercier les physiciens des années 50 qui ont construit cette collaboration scientifique européenne. Je leur suis redevable, à la fois sur le plan professionnel et sur le plan personnel, a-t-elle raconté aux jeunes. Les scientifiques, et particulièrement les physiciens des particules, sont capables de surmonter les différences culturelles pour faire aboutir un projet. C’est un modèle que nous devrions exporter dans d’autres domaines. »

« Pour les collégiens et les professeurs, ces rencontres ont été très positives, témoigne Laurent Marc, professeur d’allemand au Collège de Péron. Elles leur ont montré l’importance de l’apprentissage des langues, et comment l’entente s’est construite au travers de parcours personnels. » La grande Histoire s’est édifiée avec une somme d’histoires individuelles. « Nous, jeunes, au-delà des réalisations techniques, nous avions le sentiment de construire quelque chose », souligne Robert Jacob. 

Si la coopération entre les nations d’Europe (et maintenant du monde) est devenue une évidence au CERN, elle reste à protéger. « Les nationalismes menacent toujours, notamment avec la crise de l’Euro que nous traversons aujourd’hui. Il est important de se souvenir et de transmettre ce que nous avons construit depuis 50 ans pour ne pas risquer de le détruire », conclut Horst Wenninger.

par Corinne Pralavorio