Le monde merveilleux des collisions proton-plomb

Lorsqu’un proton (p) entre en collision avec un ion plomb (Pb), il peut se passer des choses surprenantes : dans les collisions p-Pb les plus violentes, les corrélations de particules présentent des caractéristiques semblables à celles observables dans les collisions plomb-plomb donnant lieu à la formation d’un plasma de quarks et de gluons. Ce résultat et d’autres éléments étonnants ont été présentés par l'équipe d’ALICE lors de la conférence Strangeness in Quark Matter 2013, qui a eu lieu à Birmingham du 21 au 27 juillet.

 

Événement produit lors de l'exploitation proton-plomb, en janvier 2013. Cet événement a été généré par le système de déclenchement de haut niveau (High Level Trigger) de l'expérience ALICE.

Le phénomène dit de l’atténuation des jets est l’une des signatures les plus claires de la formation d’un plasma de quarks et de gluons lors des collisions plomb-plomb à haute énergie. Le plasma de quarks et de gluons est supposé se former uniquement dans des conditions spécifiques, caractérisées par des températures extrêmement élevées et une concentration de particules très forte. Dans les cas de collisions moins denses, comme les collisions proton-plomb, les conditions de la formation du plasma ne devraient pas être remplies. « Lorsque l’on observe les résultats de ces collisions dans ALICE, on ne voit pas de forte atténuation des jets. Pourtant, dans les collisions p-Pb les plus violentes, on observe des signatures dans la production de particules qui sont caractéristiques d’un phénomène de nature hydrodynamique, explique Mateusz Ploskon, coordinateur pour l’expérience ALICE. De fait, certaines caractéristiques des corrélations de particules produites lors des collisions proton-plomb ressemblent à celles que l’on associe usuellement à la formation du plasma de quarks et de gluons lors des collisions plomb-plomb. »

Pour élucider ce mystère, il faudra disposer de plus de données, mais dès à présent, les physiciens sont très intéressés par ce résultat, car le phénomène observé dans le cadre des collisions proton-plomb pourrait avoir des conséquences importantes pour notre compréhension de la chromodynamique quantique – la théorie décrivant les interactions entre les particules subatomiques soumises à l’interaction forte. « Les données tirées des collisions proton-plomb nous fournissent déjà une base extrêmement utile pour l’étude des collisions d’ions lourds, mais nous avons besoin de plus de temps et de plus de données pour comprendre les faits insolites observés lors des collisions proton-plomb. Il reste à voir si nous pouvons apprendre quelque chose de neuf concernant les collisions à haute énergie de hadrons et de noyaux, et si nos observations auront des conséquences inattendues sur notre compréhension du plasma de quarks et de gluons dans les collisions plomb-plomb », explique Mateusz Ploskon. 

Lors de la conférence Strangeness in Quark Matter, la collaboration ALICE a également présenté ses résultats concernant le comportement des quarks lourds et des quarkoniums (état lié des paires quark-antiquark c ou quark-antiquark b) dans les collisions proton-plomb et plomb-plomb. « Les données dont nous disposons indiquent qu'un quark c qui traverse le plasma de quarks et de gluons perd significativement plus d’énergie (atténuation des jets) que ne le fait un quark b, qui pourtant est beaucoup plus lourd. Ces faits, combinés avec des indices clairs que le quark c, qui est relativement lourd, a un flux similaire à celui des gluons légers du plasma de quarks et de gluons, sont un défi important pour les modèles théoriques actuels. Nous sommes en train d’ouvrir de nouvelles voies dans l’exploration de la matière chaude et de la matière dense, mais il nous faut des informations plus précises. Beaucoup des questions que nous nous posons aujourd’hui seront résolues lors de la prochaine période d’exploitation du LHC, après 2015 », conclut Mateusz Ploskon.

par Antonella Del Rosso