Le thorium : à la recherche d’une solution globale

La conférence internationale sur le thorium qui s’est tenue au CERN la semaine passée a réuni pour la première fois les principaux experts mondiaux dans le domaine du nucléaire alternatif, qui préconise l’utilisation du thorium pour la production d’énergie et la destruction des déchets nucléaires. Parmi les différentes technologies présentées et discutées à la conférence, il y avait celle des ADS (Accelerator Driven Systems), qui place les accélérateurs de particules au cœur de la solution.

 

Le président de la conférence (à gauche) en compagnie des organisateurs et de quelques-uns des invités de marque de la conférence ThEC13, qui s'est tenue au CERN du 27 au 31 octobre 2013.

« Le CERN s’est toujours intéressé à savoir comment la recherche fondamentale peut aider à résoudre des problèmes de société, explique Jean-Pierre Revol, physicien membre de l’expérience ALICE, jeune retraité du CERN et président de iThEC, l’association internationale sans but lucratif qui promeut la recherche et le développement dans le domaine du thorium et qui a organisé la conférence Thorium Energy 2013 (ThEC13) au Globe de la science et de l’innovation, du 27 au 31 octobre derniers. Le CERN est un endroit tout choisi pour organiser cette conférence et faire le point sur le domaine du thorium. C’est ici que Carlo Rubbia a proposé son amplificateur d’énergie, et c’est ici que l'on développe les technologies de pointe pour les accélérateurs qui peuvent être utilisés dans la production d’énergie. C’est également ici que l’on peut faire les simulations des interactions entre les faisceaux et la matière. Et pour finir, c’est ici qu’il y a des installations comme nTOF, qui permettent de fournir à ces simulations des données de plus en plus précises. »

Le thorium pourrait être une alternative à l’uranium dans la production d’énergie nucléaire. Ses processus de fission produisent moins de déchets radioactifs, sa présence sur la planète en assure une exploitation pratiquement infinie (en tout cas à l’échelle humaine) et son utilisation dans un ADS présente beaucoup moins de risques que dans les réacteurs à uranium. C’est donc une solution au problème global de l’approvisionnement en énergie que la communauté mondiale des scientifiques et experts du domaine a discutée pendant cette conférence. Du côté technologique, il y a deux écoles au niveau mondial : celle qui préconise la construction de centrales utilisant du thorium dans des réacteurs critiques à sels fondus, et celle qui pense que la meilleure façon d’utiliser le thorium réside dans des systèmes pilotés par accélérateurs. « Cette dernière idée fut lancée au CERN par le professeur Carlo Rubbia, il y a environ 20 ans, explique Jean-Pierre Revol. Elle prévoit l’utilisation d’un accélérateur de protons pour piloter un réacteur nucléaire. Il reste beaucoup à développer, mais les technologies de base d’un ADS sont en principe connues et maîtrisées. »

À la conférence ThEC13, les deux écoles étaient représentées. Elles ont pu faire le point sur la situation générale, échanger leurs points de vue et comparer les différentes perspectives et les défis technologiques. « Le dialogue a parfois été assez animé, mais toujours très constructif, commente Jean-Pierre Revol. Ce dialogue se poursuit même après la conférence, et à différents niveaux. Notamment parmi les experts d’une même technologie, en ce qui concerne des éléments internes au système ; ou encore sur la question du choix entre linac et cyclotron, pour l’accélérateur. » Les synergies créées à la conférence ThEC13 ont été nombreuses. « Par exemple, les scientifiques chinois ont montré un grand intérêt pour l’installation nTOF, qui pourrait leur permettre d’améliorer la précision de leurs calculs », indique Jean-Pierre Revol.

L’Inde et la Chine sont deux acteurs importants de la recherche et du développement dans le domaine du thorium, l’Inde étant la plus avancée dans ce domaine. Ces deux pays devront augmenter leur production d’énergie de façon spectaculaire et en un temps très court. Produire cette énergie avec des combustibles fossiles signifierait augmenter de façon dramatique la production de CO2 et la pollution chimique de la planète toute entière. La solution thorium mérite donc d’être étudiée sérieusement. « Nous n’avons pas la science infuse et nous ne savons pas aujourd’hui quelle sera la solution idéale, conclut Jean-Pierre Revol. La contribution qu’une conférence comme ThEC13 apporte est de faciliter l’échange entre les différents pays confrontés au même problème. Notre but est de promouvoir ainsi la recherche et le développement dans un domaine qui a un vrai potentiel de réussite, comme le CERN le fait depuis longtemps déjà dans le domaine de la physique des particules. »

Les chiffres de la conférence

Environ 200 participants en provenance d’une trentaine de pays du monde ont pu assister à la conférence tenue au Globe de la science et de l’innovation. Au public présent au CERN, il faut ajouter l’audience qui a suivi la conférence sur internet grâce au webcast en direct. Près de 5000 personnes ont ainsi suivi les présentations des 28 et 29 octobre données, entre autres, par Carlo Rubbia, Hans Blix et Anil Kakodkar. Rolf Heuer, le directeur général du CERN, a pour sa part encouragé les participants à poursuivre leurs efforts car les enjeux sont importants. Toutes les présentations sont disponibles en vidéo et sous forme de fichiers à télécharger sur le site web de la conférence.


 


(Vidéo en anglais)
 

par Antonella Del Rosso