De la conception au banc d'essai

Il aura fallu sept ans pour concevoir cet élément, réaliser ses prototypes, et le construire : le linac à tubes de glissement (DTL) du Linac 4 est actuellement en phase d’assemblage au bâtiment 181 du CERN. Déjà, la première enceinte DTL n'est plus qu'à quelques tests de son installation dans le tunnel du Linac 4. Voyons comment cette pièce essentielle de l’accélérateur a enfin vu le jour.

 

Jetez un coup d'œil à l'intérieur d'une des enceintes DTL du Linac 4.

Le DTL du Linac 4 est conçu pour porter de 3 à 50 MeV un faisceau d’ions d’hydrogène négatifs (H-). Divisé en trois enceintes à vide, il contient en tout 108 tubes de glissement, chacun composés d’une douzaine de pièces. Les enceintes comprennent de nombreux éléments annexes, des circuits de refroidissement, et des centaines de boulons et de vis. Ce n’est donc pas surprenant que cette structure ait été surnommée « le puzzle aux mille pièces ».  

Une histoire éprouvante
Bien que la première enceinte soit bientôt prête à être installée dans le tunnel du Linac 4, la construction du DTL n’a pas été de tout repos. « Nous avions pour mission de concevoir le premier linac à tubes de glissement du CERN depuis plus de 25 ans, ce qui déjà n’était pas une mince affaire, mais de plus sa construction a présenté de nombreux défis, se souvient Suitbert Ramberger, ingénieur de projet pour le DTL du Linac4. Quand les tubes de glissement sont placés dans l’enceinte à vide de 7,3 m de longueur, il faut une précision de ± 0,1 mm, et peu d’entreprises possèdent une telle compétence. C’est pourquoi nous nous sommes adressés à l’équipe de Los Alamos, responsable du DTL de la Source de neutrons de spallation, qui nous a donné d’excellents conseils sur la meilleure façon de procéder. »

Un concept innovant
« Nous voulions réduire la complexité de la conception et avoir une bonne fiabilité sur 30 ans de fonctionnement, explique Maurizio Vretenar, chef de projet du Linac 4. D’habitude, les DTL sont équipés de vis qui permettent d'ajuster la position des tubes après l’assemblage. Mais étant donné les progrès des techniques de fabrication, nous avons conclu que les DTL pouvaient être construits avec moins de moyens de réglage. Ainsi nous avons pu nous passer de soufflets et de double étanchéité. » Ce nouveau concept a depuis été breveté (pour plus d’informations, lisez l’article «  L'invention qui donne forme au Linac4 »).

Extrême précision
Les poutres qui maintiennent les tubes de glissement en place ont été parmi les pièces les plus difficiles à fabriquer. La géométrie des pièces se mesurant en dixième de micromètres, on était aux limites de la fabrication traditionnelle. « De nombreuses entreprises ont répondu à l’appel d’offres, mais n’ont tout simplement pas pu garantir les tolérances, explique Suitbert Ramberger. Une entreprise externe doit non seulement disposer des bons outils, mais posséder aussi une solide expérience. Il est intéressant de noter que parfois l’expérience peut remplacer un bon équipement. En effet, deux des poutres ont finalement été fabriquées au CERN, alors que les ateliers principaux n’étaient pas suffisamment équipés ou ne disposaient pas de l'environnement habituellement jugé approprié pour ce genre de travail. C’est merveilleux ce qu’on peut faire quand on a les personnes qu’il faut ! »

Assemblage du DTL du Linac 4 au bâtiment 181.

Le DTL du Linac 4 a fait des émules
Aujourd’hui, après sept années d’expérience, les membres de l’équipe du DTL du Linac 4 sont devenus des experts et sont à même de prodiguer des conseils à d’autres équipes qui souhaitent construire des linacs à tubes de glissement. « Le DTL de l’installation à ions légers à 50 MeV de l’ESS-Bilbao (ESSB), prévue à Bilbao, est une copie exacte du DTL du Linac 4, observe Maurizio Vretenar, tout comme la conception mécanique du DTL pour l’ESS (Source européenne de spallation), en cours de développement à l’ INFN Legnaro (LNL). Ces deux instituts ont participé au développement du DTL du Linac 4 et, à présent, leurs équipes suivent notre travail de très près. » Quelle que soit la discipline, être imité est toujours flatteur.

Tout est bien qui finit bien
« La force du DTL du Linac 4, c’est sa simplicité, conclut Suitbert Ramberger.  Comme dans un puzzle, chaque pièce, bien que complexe, a été conçue pour être assemblée aisément et sans soudage supplémentaire. L’assemblage se fait rapidement et bientôt toutes les enceintes seront en place ! »

par Katarina Anthony