AWAKE : un nouveau potentiel d’accélération grâce au plasma

Les travaux de génie civil ont débuté en vue de la nouvelle expérience AWAKE, qui vise à repousser les limites de l’accélération de particules. Il s’agit d’une expérience de démonstration de principe, qui utilisera la puissance de champs de sillage générés par des faisceaux de protons dans des cellules de plasma pour parvenir à des gradients accélérateurs des centaines de fois plus élevés que ceux des cavités radiofréquence actuelles.

 

Des travaux de génie civil sont en cours à l’installation AWAKE.

En tant qu’expérience de R&D sur les accélérateurs du CERN, le projet AWAKE est assez exceptionnel. Comme toutes les expériences du CERN, AWAKE est une collaboration regroupant des instituts et organisations du monde entier. « Mais contrairement aux expériences avec cibles fixes, où les utilisateurs prennent le relais une fois que le CERN a fourni l’installation, dans le cas d’AWAKE les faisceaux synchronisés de protons, d’électrons et laser fournis par le CERN font partie intégrante de l’expérience, explique Edda Gschwendtner, responsable CERN du projet AWAKE. La participation du CERN au projet ne se limite donc pas, bien sûr, à fournir des infrastructures et des services. »

Les préparatifs ont déjà débuté et des équipes du CERN ont commencé cet été à réaménager la zone de CNGS pour y accueillir AWAKE. « Nous avons retiré une partie de la ligne de faisceau de protons et débarrassé la zone en amont de la cible de CNGS afin de faire de la place pour l’installation AWAKE, avec notamment un laser et une cellule de plasma de 10 mètres, explique Edda. Par contre, nous n’avons pas touché à la zone en aval de la cible de CNGS ; comme elle est radioactive, nous avons construit en juillet un nouveau mur de blindage afin que l’installation AWAKE, en amont, puisse être une zone de travail sûre, sous surveillance, pour ses utilisateurs»

L’installation AWAKE comprendra aussi une salle blanche pour le laser, une zone réservée à la source d’électrons et deux nouveaux tunnels pour deux nouvelles lignes de faisceau : un petit tunnel pour contenir le faisceau laser (qui ionise le plasma et génère les champs de sillage), et un second tunnel, plus grand, qui accueillera la source et le faisceau d’électrons (le « faisceau témoin » accéléré par le plasma). Ces nouveaux tunnels sont en cours d'excavation, en prévision de l'installation (voir photo).

En parallèle, l’équipe AWAKE de l’institut Max Planck de physique se prépare à apporter à la fois des équipements et son savoir-faire au CERN. « À Munich, nous travaillons avec un prototype de la cellule de plasma qui fait 3 mètres, indique Allen Caldwell, porte-parole d’AWAKE. Nous nous concentrons sur l’aspect scientifique : en apprendre le plus possible sur les propriétés de la cellule de plasma avant de commencer à travailler avec la ‟vraieˮ. Par exemple, nous devons veiller à ce que la température du plasma dans la cellule soit uniforme et que les champs de sillage générés par le laser soient maîtrisés»

« En plus de cela, nous réglons aussi un certain nombre de questions liées au matériel, ajoute Patric Muggli, coordinateur d'AWAKE pour la physique et les expériences. Par exemple, nous construisons des valves qui permettent au laser et aux faisceaux de protons et d’électrons de pénétrer dans la cellule de plasma. Elles doivent être extrêmement rapides mais aussi résistantes, pour s’ouvrir et se fermer 40 000 fois pendant leur durée de vie, ce qui est un chiffre record»

Alors même que de nouvelles technologies sont créées pour AWAKE, l’expérience réutilise également des équipements existants de CNGS et d’autres installations du CERN : « La collaboration CLIC/CTF3 a accepté de mettre à disposition de l’installation AWAKE sa source d’électrons PHIN ainsi que ses compétences en la matière, sans compter un certain nombre d’éléments de klystrons pour la source d'électrons, continue Allen. Cependant, modifier la source d’électrons PHIN pour répondre aux besoins d’AWAKE exigera un travail considérable de la part du personnel du CERN et des membres de la collaboration. »

L’expérience sera réalisée en deux phases, la première commençant en 2016. « Nous devons d’abord prouver que la cellule de plasma crée des champs de sillage accélérateurs, et démontrer que l’automodulation fonctionne et qu’elle peut être contrôlée, conclut Edda. Une fois que nous aurons étudié ce phénomène en détail, nous utiliserons les champs de sillage pour accélérer le faisceau témoin d’électrons. Cela durera jusqu’au LS2, et d’ici là nous espérons avoir une bonne idée du potentiel de l’accélération plasma entraînée par des protons»

par Katarina Anthony