Emilio Picasso (1927-2014)

Emilio Picasso s’est éteint le 12 octobre dernier, laissant toutes les personnes qui le connaissaient et avaient travaillé avec lui dans une immense tristesse. Passionné de physique fondamentale, il avait par ailleurs un don exceptionnel pour diriger des équipes : il transmettait son enthousiasme, il était ouvert au dialogue, mais il savait également prendre des décisions difficiles lorsque cela s’avérait nécessaire. La jovialité, la loyauté et la sympathie dont il faisait preuve avec l'ensemble du personnel, à tous les niveaux, faisaient de lui un collègue et ami apprécié de tous.

 

Né à Gênes, Emilio dévorait les livres de physique à l’université de la ville, où il reçut son doctorat en 1956 et où il resta avant d’obtenir un poste de chercheur associé au CERN, en 1964. Il avait alors déjà commencé à travailler avec l’équipe du CERN qui concevait et construisait le premier anneau de stockage de muons du monde, destiné à mesurer la valeur « g-2 » du muon. Il devint membre du personnel du CERN en 1966, et fut par la suite amené, en tant que chef de groupe, à diriger la construction d'un nouvel anneau de stockage de muons, de plus grande envergure, pour la troisième expérience g-2 du CERN. Cela permit à terme de mesurer le g-2 avec une précision de 7,3 millionièmes.  De juillet 1972 à décembre 1977, il occupa les fonctions de chef de la division Physique nucléaire (par la suite Physique expérimentale), et d’adjoint du directeur du Département de physique I.

Après avoir achevé, en 1978, la troisième expérience g-2, Emilio s’intéressa à la détection des ondes gravitationnelles au moyen de cavités RF supraconductrices, et devint un spécialiste de ces dispositifs. Au printemps 1979, il fut ainsi chargé de coordonner le développement de cavités RF supraconductrices, qui avait débuté dans plusieurs laboratoires européens (à Gênes, à Karlsruhe, à Orsay, à Wuppertal, ainsi qu’au CERN), en vue de l’éventuelle construction du Grand collisionneur électron-positon (LEP). Puis, en juin 1980, il fut nommé chef de projet du LEP, responsable de l’ensemble des travaux préparatoires, qui avaient déjà commencé. Lorsque, en décembre 1981, le Conseil approuva officiellement la construction du LEP, il fut nommé directeur de projet pour le LEP, fonction qui était en parfaite harmonie avec ses qualités personnelles. Le projet fut achevé avec succès en juillet 1989, conformément au calendrier.

Emilio prit sa retraite en 1992, mais cela ne mit pas fin pour autant à son amour des problèmes de physique. À Pise, il devient directeur de la Scuola Normale Superiore, où il avait été nommé professeur dix ans plus tôt. Il se consacra essentiellement là encore à la détection des ondes gravitationnelles, domaine qu’il continua d’explorer parallèlement à ses fonctions de directeur au CERN, en défendant l’installation, au Laboratoire, du détecteur d’ondes gravitationnelles EXPLORER, en 1984. À Pise, il apporta un soutien déterminant au projet Virgo, le détecteur d'ondes gravitationnelles à laser adopté par l’INFN et le CNRS, qui fonctionne actuellement près de Cascina (province de Pise).

Emilio avait le don de faire ressortir ce qu’il y a de meilleur chez les gens, de les inspirer et de les rassembler dans un esprit de fraternité. Il rayonnait d’enthousiasme et de générosité. Aujourd’hui, nous sommes pleins de tristesse ; une étoile s’est éteinte, mais son rayonnement persiste et continuera de nous illuminer encore de nombreuses années.

Ses amis et anciens collègues.