Une place en or pour les diamants

Le long du télescope à luminosité à pixels (PLT) de CMS – installé le mois dernier (voir ici) – se trouvent des détecteurs en diamant. Développés en laboratoire, ces petits bijoux de technologie joueront, lors de la deuxième période d’exploitation, un rôle essentiel : différencier les signaux provenant des produits des collisions de ceux provenant du bruit du faisceau.

 

La carte de circuit imprimé verte « en c » du détecteur BCM est montée sur une structure en fibre de carbone en vue de son installation sur le télescope à luminosité à pixels.

En début d’année, l’équipe chargée du projet BRIL à CMS a installé au cœur du détecteur CMS des systèmes de surveillance de l’état des faisceaux (BCM, Beam Condition Monitors). Conçus pour mesurer la luminosité en temps réel et le bruit de fond aussi près que possible du tube de faisceau du LHC, les BCM utilisent des diamants radiorésistants pour distinguer le bruit de fond des signaux des collisions. Ces systèmes protègent également les trajectographes au silicium de CMS des pertes de faisceaux, en arrêtant le faisceau lorsque les intensités des signaux mesurées dépassent un seuil acceptable.

Ces nouveaux systèmes de surveillance ont été conçus en prévision des paquets de faisceau de la deuxième période d'exploitation. « Le nouveau système dispose d’une meilleure résistance aux rayonnements, d’une électronique frontale plus rapide, d’une granularité accrue et d’une plus grande surface – ce qui lui permet d'être plus sensible au bruit de faisceau en prévision de la deuxième période d’exploitation, lorsque la fréquence des collisions sera plus élevée, explique Anne Dabrowski, chef adjointe et coordinatrice technique du projet BRIL. Grâce à une électronique frontale sans déclenchement optimisée, on aura la garantie que chaque passage de particule chargée sera pris en compte. »

Six capteurs en diamant métallisés sont placés sur la face extérieure de la carte de circuit imprimé « en c » rigide du BCM.

La possibilité de distinguer le produit des collisions du bruit de fond réside dans l’emplacement particulier des BCM. « Les BCM doivent être idéalement situés pour la deuxième période d'exploitation, à 6,25 ns du point d'interaction, précise David Stickland, chef du projet BRIL. Imaginez qu’une particule non désirée se présente en même temps que le faisceau proprement dit et que les deux traversent les BCM. Lorsque les faisceaux entreront en collision au point d’interaction, des particules pourront revenir et transmettre des signaux aux BCM. Compte tenu de leur emplacement de choix – un canal de retour à 12,5 ns du point d’interaction – les BCM possèdent une fenêtre optimale avant que le paquet suivant ne se présente dans le tube de faisceau. »

Au cœur de ces détecteurs BCM particulièrement rapides réside une puce microélectronique inédite conçue par le département PH-ESE et l'Université des sciences et technologies AGH de Cracovie. Le concept innovant est le fruit de l’imagination d’un doctorant polonais, Dominik Przyborowski, qui a travaillé main dans la main avec Jan Kaplon et Vladimir Ryjov, du CERN. Ces puces présentent une excellente résolution temporelle, permettant de différencier de nombreux impacts lors d’un croisement de paquets à intervalle de 25 ns.

Trouver de l’espace pour tous les éléments et connexions des BCM a été un vrai défi. « Le groupe PH-DT a présenté un moyen ingénieux de rassembler en un même point tous les éléments, souligne Anne. Nous avons placé sur une même carte de circuit imprimé les capteurs en diamant, les convertisseurs de signaux et les connexions, en utilisant une carte souple servant de lien entre ces éléments et les convertisseurs optiques transmettant les signaux au dispositif de lecture. »

Les ingénieurs des groupes PH-ESE et PH-DT qui ont participé à la conception et à la production de la carte de circuit imprimé du détecteur BCM, montée sur une structure en fibre de carbone (de gauche à droite : Robert Loos, William Billereau, Rui De Oliveira, Vladimir Ryjov et Bertrand Mehl).

« La carte de circuit imprimé sert à la fois la structure mécanique et les connexions de données, conclut David. Sa conception n'a été que l'une des nombreuses réalisations qui ont permis la construction des BCM. Cette réussite, on la doit en grande partie à la persévérance et au talent du physicien Wolfgang Lange et de l’équipe de DESY Zeuthen, qui ont réalisé l'assemblage et la qualification des détecteurs avec un grand souci du détail. Maintenant que l’installation est achevée, nous avons hâte de voir fonctionner les BCM, dans moins de deux mois. »

par Katarina Anthony