Croyez-vous aux fantômes ?

Les « fantômes » sont des outils qui reproduisent les conditions du corps humain et permettent ainsi de simuler la réponse à un traitement. Ils sont nécessaires en hadronthérapie pour optimiser et vérifier le traitement avant de l’administrer au patient. Plus le fantôme sera performant, plus le programme de traitement sera précis, et plus la thérapie sera efficace. Dans le cadre du projet ENTERVISION*, financé par l’Union européenne, une équipe de chercheurs du CERN a conçu un dispositif innovant capable de mesurer avec une grande précision des paramètres liés à la radiobiologie.

 

Le « fantôme » d'ENTERVISION pendant un test au HIT.

L’un des défis centraux de l’hadronthérapie, à savoir l’utilisation de hadrons à des fins médicales, pour traiter le cancer, est d’évaluer l’effet biologique du rayonnement administré. Cela peut se faire en utilisant des techniques précises de dosimétrie, afin d’étudier la réponse biologique selon la dose administrée et d’autres caractéristiques physiques du faisceau, par exemple le transfert d'énergie linéaire (LET, Linear Energy Transfer). La fonction du « fantôme » est de permettre d’évaluer précisément le rapport entre la dose déposée et la réponse d’une culture de cellules déterminée à cette dose, avec différents types de faisceaux de particules. De cette manière, les oncologues peuvent évaluer au préalable la dose adéquate pour un résultat optimal du traitement.

Thiago Viana Miranda Lima a rejoint le CERN en 2012 pour intégrer l’équipe travaillant sur le projet ENTERVISION. Sa mission consiste à concevoir un nouveau fantôme, dans le but d’améliorer l’imagerie médicale numérique pour la radiothérapie. L’équipe d’ENTERVISION travaille en étroite collaboration avec le CNAO, le HIT et l’INFN Turin. « J’ai passé ma première année en tant que boursier à étudier les fantômes déjà disponibles, puis à concevoir un premier modèle pour le nouveau fantôme. Grâce aux efforts conjugués de notre équipe pluridisciplinaire, nous avons réalisé le premier prototype dans la première moitié de l’année 2013 », explique Thiago. Le fantôme consiste en une boîte connectée à des détecteurs de particules. Elle est en polyméthacrylate de méthyle (PMMA), un matériau dont la densité est proche de celle de l’eau, principal composant du corps humain.

L’avantage principal du fantôme créé par ENTERVISION est qu’il fonctionne avec des plaques de culture cellulaire pré-stérilisées disponibles dans le commerce, ce qui élimine le risque de contamination. « Le fait d’utiliser des plaques de culture cellulaire du commerce nous permet de réaliser autant de tests que nous le souhaitons, et par conséquent d’obtenir de bien meilleures statistiques sur la réponse biologique des tissus et de réduire les incertitudes entraînées par des retards dans la préparation des cellules », poursuit Thiago. Le fantôme actuel est le résultat de plusieurs étapes de développement et de test. « La boîte a évolué ; elle accueillait d’abord une plaque à un seul puits à cellules, contre une plaque de 12 puits pour le modèle actuel. Dans le prochain modèle, il y aura 96 puits à cellules, ce qui améliorera la résolution spatiale et les statistiques de la performance du fantôme. »

« L’objectif final du projet est d’évaluer précisément les différences entre l’irradiation des cellules par des protons et par d’autres particules chargées, de manière à pouvoir connaître les effets biologiques de ces irradiations sur les tissus humains, ce qui aidera les radiobiologistes à développer différents modèles biologiques », conclut Thiago. L’équipe d’ENTERVISION est maintenant en train de mener à bien l’analyse et de recueillir tous les résultats pour déterminer si l’expérience est reproductible, afin que le fantôme puisse être utilisé par les radiobiologistes et les médecins. 


*ENTERVISION est un réseau de formation initiale Marie Curie composé de 16 chercheurs, dont trois sont basés au CERN, dans le domaine de l’imagerie médicale en ligne et de l’administration des doses pour l’hadronthérapie. Le projet a été créé pour répondre à un besoin clinique en menant davantage de recherches dans le domaine de l’imagerie en ligne, et dans le but de former des professionnels hautement qualifiés. Vous trouverez des informations supplémentaires sur le projet ENTERVISION ici.

par Rosaria Marraffino