Le boson de Higgs : responsable de tout ?

Depuis sa découverte en 2012, le boson de Higgs attire toute l’attention des expérimentateurs comme des théoriciens. Outre son rôle confirmé dans le mécanisme de masse, de récents articles ont traité de son rôle possible dans l'inflation de l'Univers et dans la disproportion entre matière et antimatière. Une seule particule peut-elle tout expliquer ?

 

« Depuis 2012, nous savons que le boson de Higgs existe, mais nous n’avons pas encore entièrement levé le voile sur ses propriétés intrinsèques, souligne Gian Giudice, membre de l’unité Théorie du CERN. Des mesures précises de ses modes de désintégration sont toujours en cours, et l'exploitation 2 du LHC sera essentielle pour mieux comprendre la nature de cette particule. »

Ce que nous savons c’est que ce boson n’est pas « une particule de plus » parmi les centaines que nous étudions chaque jour dans les laboratoires de physique. En accord avec la théorie du Modèle standard, les récentes données expérimentales confirment que la particule découverte par les expériences du CERN est bien la particule-clé du mécanisme de Brout-Englert-Higgs, qui explique l’origine de la masse des particules subatomiques. Cette spécificité suffit-elle à en faire « la » particule qui façonna notre Univers tout entier ? « La découverte du boson de Higgs a de fait ouvert de nouvelles perspectives pour la cosmologie et la physique des particules, indique Gian Giudice. De nombreuses études ont été publiées sur son rôle possible dans le façonnement des débuts de l’Univers, mais la situation théorique est loin d’être claire. »

Selon certains modèles théoriques, le boson de Higgs pourrait être l’ « inflaton », la particule responsable de l’expansion rapide qu’a connue l’Univers lors de ses tout premiers instants. « L’identité de l’inflaton est toujours un mystère et il a été intéressant de constater que le boson de Higgs et l’inflaton ont des caractéristiques communes, explique Gian Giudice. Toutefois, les interactions du Modèle standard ne sont pas suffisantes pour engendrer une inflation à moins que nous introduisions un couplage anormalement fort entre le boson de Higgs et la gravité. Avec ce fort couplage, les calculs ne sont pas fiables, et la question de savoir si nous pouvons associer le boson de Higgs à l’inflaton fait encore débat parmi les théoriciens. À mon avis, le boson de Higgs a besoin d'autres nouvelles particules pour engendrer l’inflation. »

La situation est également floue en ce qui concerne la disproportion entre matière et antimatière. « Selon certains modèles théoriques, ce déséquilibre aurait été créé durant la transition de phase primordiale qui a conduit à la formation de l’état particulier du champ de Higgs que nous observons aujourd'hui dans l'Univers, explique Gian Giudice. Dans ces modèles, le boson de Higgs joue un rôle central dans la génération de l’asymétrie entre matière et antimatière, mais de nouvelles particules et de nouvelles interactions au-delà du Modèle standard sont assurément nécessaires pour que la théorie fonctionne », confirme Gian Giudice.

La situation générale reste incertaine : alors que plusieurs études théoriques tentent d’examiner en profondeur les différents aspects possibles du champ de Higgs, d’autres se concentrent sur des scénarios alternatifs. « Une explication plus simple de l’asymétrie matière-antimatière serait offerte par les neutrinos si, comme il est généralement admis, certains types de neutrinos ont le spin et la vitesse qui pointent dans la même direction », souligne Gian Giudice. Avant d’ajouter : « À la naissance de l’Univers, tous les types de neutrinos étaient en équilibre thermique. À mesure que l'Univers s'est refroidi, ceux qui interagissaient le plus faiblement ont rompu cet équilibre et se sont finalement désintégrés, laissant derrière eux un peu plus de matière que d’antimatière. »

Grâce aux nouvelles données de haute énergie qui seront obtenues lors de l’exploitation 2 du LHC, les physiciens disposeront d’un outil plus efficace pour lever un peu plus le voile sur cette question et sur d’autres processus fondamentaux que la nature a pour l’instant gardés secrets.

par Antonella Del Rosso