Cure hivernale pour les accélérateurs

Des centaines de personnes sont mobilisées pour l’arrêt technique hivernal : des opérations de maintenance, de rénovation et d’amélioration se déroulent en parallèle dans tous les accélérateurs.

 

Le nouvel absorbeur de faisceau, acheminé au point 2 avant d’être descendu dans le tunnel du LHC et installé.

Les accélérateurs n’ont pas attendu pour entamer leur traditionnelle cure de remise en forme hivernale. Dès la fin novembre, alors que le programme d’ions débutait dans le LHC, les travaux commençaient dans le Booster du PS, mis à l’arrêt. Le 14 décembre, après l’arrêt général, c’était au tour des autres injecteurs et du LHC d’être investis par les équipes techniques. L’arrêt technique hivernal (rebaptisé YETS pour Year End Technical Stop) permet de procéder à la maintenance des équipements, de réparer ceux endommagés mais aussi de réaliser des améliorations pour les prochaines exploitations. De multiples travaux se déroulent en parallèle et la coordination est cruciale. L’équipe de Marzia Bernardini du département Ingénierie est chargée de l’organisation et de la planification des arrêts techniques. « Nous avons commencé la planification de cet arrêt technique dès juin 2015, indique Marzia Bernardini. Des centaines de personnes de tous les départements techniques sont mobilisées au cours des 12 semaines de l’arrêt. »

Dans le Booster du PS, un travail de fourmi a commencé pour identifier les câbles obsolètes. La tâche semble anodine, elle est en réalité complexe. Dans cet accélérateur mis en service en 1972, des centaines de kilomètres de câbles ont été ajoutés au fil des années et la documentation est parfois parcellaire. « On doit vérifier environ 3 000 câbles, soit 150 kilomètres, indique Sébastien Evrard, responsable du projet d’identification des câbles. Soixante personnes sont mobilisées pendant huit semaines pour ces travaux. » Les câbles répertoriés inutiles seront retirés lors du prochain arrêt technique hivernal pour faire de la place aux câbles qui seront installés dans le cadre du projet d’amélioration des injecteurs (LIU). Parallèlement, de nouvelles structures sont installées pour abriter les futurs châssis. Une campagne similaire est menée dans le SPS, avec l’identification d’environ 7 000 câbles obsolètes en deux points de l’accélérateur, et la consolidation des faux planchers abritant les câbles.

Dans le Synchrotron à protons (PS), en plus de la maintenance habituelle et des travaux de consolidation, deux nouveaux équipements d’instrumentation de faisceau ont été installés dans le cadre du projet LIU. Ces systèmes de détection des courants des parois (wall current monitors) remplacent celui mis en place en 1993. « Une fois le câblage effectué, les tests démarreront fin janvier, en attendant les premiers faisceaux dans l’anneau, le 8 mars », indique Simon Mataguez, qui coordonne les travaux dans le PS.

Installation des systèmes de détection des courants des parois dans l’anneau du PS. 

Un anneau plus loin, dans le Super synchrotron à protons (SPS), 16 aimants sont à remplacer : 14 aimants principaux (sur les 960 que compte l’anneau) et deux aimants auxiliaires de la ligne de transfert. Chaque aimant pesant 16 tonnes, l’opération est lourde. « Mais c’est de la routine pour nous, tempère David McFarlane, coordinateur technique du SPS. À chaque arrêt technique, même court, nous avons l’habitude de changer un ou deux aimants. » Le SPS est un accélérateur vieillissant – il fêtera ses 40 ans cette année – doté d’aimants qu’il faut régulièrement rénover. « Le laminage se détériore ainsi que le circuit de refroidissement. C’est pourquoi nous devons remplacer des aimants », poursuit David McFarlane.

Dans le Grand collisionneur de hadrons (LHC), plusieurs grandes opérations sont en cours. Deux absorbeurs de faisceaux, aux points 2 et 8 de la machine, ont été remplacés (voir encadré). Deux  secteurs (7-8 et 8-1) ont été vidés de leur hélium afin d’éviter des pertes pendant la réparation d’une boîte froide. Douze collimateurs, de chaque côté d’ATLAS et de CMS, ont été démontés. Les chambres à vide, qui limitaient les mouvements des collimateurs, sont en cours de modification. Enfin, un équipement d’instrumentation, un télescope à rayonnement synchrotron (BSRT pour Beam Synchrotron Radiation Telescope), a été amélioré au point 4. Des campagnes de câblage se poursuivent dans toute la machine. Quatre équipes travaillent en parallèle pour installer 25 kilomètres de câbles de signal (cuivre et fibres optiques) pour de nouveaux équipements ou des améliorations. « Il y a une foule d’autres travaux, notamment de maintenance, note Marzia Bernardini. Par exemple, pendant la fermeture de fin d’année, les groupes Refroidissement et ventilation (CV) et Électricité (EL) du département EN ont été à pied d’œuvre. » Les expériences mènent parallèlement des travaux sur leur détecteur qu’il faut parfois coordonner avec ceux de l’accélérateur.

Tous les travaux doivent être terminés début février dans les injecteurs et début mars dans le LHC. Les injecteurs redémarreront alors progressivement tandis que des tests de puissance débuteront dans le LHC. Les premiers faisceaux sont prévus fin mars dans le Grand collisionneur de hadrons.
 

Absorber sans perturber

Les absorbeurs de faisceaux à l’injection (TDI) sont utilisés lorsque les faisceaux sont éjectés du SPS vers le LHC. Protection indispensable du LHC, ils absorbent le faisceau du SPS en cas de problème. Ils sont formés de deux mâchoires qui se resserrent autour des paquets de particules injectés. Les matériaux de la mâchoire, du nitrure de bore, de l’aluminium et du cuivre, absorbent progressivement le faisceau. Le fonctionnement de ces absorbeurs est semblable à celui des collimateurs, mais leurs mâchoires sont bien plus longues, quatre mètres au lieu d'un mètre pour les collimateurs. Au cours de l’exploitation 2015, ces équipements, placés aux points 2 et 8 du LHC, ont montré des signes de défaillance, perturbant parfois l’injection. « Nous avons observé des hausses de température anormales du matériau de ces absorbeurs et des dégazages dégradant le vide du LHC », explique Antonio Perillo Marcone, en charge du projet au sein du groupe Cibles, collimateurs et absorbeurs de faisceau du département EN (EN-STI-TCD). Les équipes ont donc développé deux nouveaux absorbeurs, avec un autre matériau constituant les mâchoires. « Nous avons remplacé le nitrure de bore par du graphite, plus stable dans le temps et qui perturbera moins le faisceau », explique Antonio Perillo Marcone. L’assemblage final a été réalisé dans les ateliers du CERN. Les deux équipements vont maintenant être testés.

 

par Corinne Pralavorio