La réalité augmentée au service de la sécurité

Parfois, les experts du CERN doivent travailler dans des conditions de faible visibilité ou en présence de risques. Limiter le plus possible la durée de ces interventions tout en réduisant le risque d’erreurs est par conséquent crucial pour assurer la sécurité du personnel. Le projet EDUSAFE intègre différentes technologies dans le but de créer un système portatif de sécurité du personnel reposant sur le principe de la réalité augmentée. 

 

Le système de sécurité EDUSAFE : une caméra fixée sur le casque de l'opérateur permet de contrôler la zone de travail.

Dans le cadre des interventions qui sont réalisées quotidiennement sur des machines ou des installations, le CERN applique tout un ensemble de mesures visant à garantir la sécurité de son personnel, parmi lesquelles le recours à des systèmes de contrôle d’accès et à des dispositifs de sécurité portatifs. Toutefois, il peut arriver que des interventions de maintenance prévues ou d’urgence doivent être réalisées en présence d’équipements radioactifs, dans des zones présentant de potentiels risques cryogéniques, ou simplement dans des conditions difficiles du point de vue de la visibilité ou de la mobilité. Le projet ITN (Innovative Training Network) Marie Curie EDUSAFE (voir l’encadré) fait appel à la réalité augmentée pour réduire la durée d’une intervention et renforcer la sécurité du personnel en limitant le risque d’erreurs.

« Nous mettons au point un système innovant qui associe des dispositifs déjà en usage, en particulier le dosimètre actif, à de nouvelles technologies, explique Olga Beltramello, du CERN, coordinatrice du réseau EDUSAFE. Grâce à une carte électronique, qui recueille des informations de divers capteurs et d’une caméra, et qui les transmet via une connexion sans fil, la personne est constamment surveillée par des opérateurs situés en surface. Par ailleurs, les technologies de réalité augmentée permettent d’identifier et d’analyser en temps réel par ordinateur les objets présents dans l’environnement de la personne et de projeter sur les verres de ses lunettes intelligentes les informations dont elle a besoin. »  

Il était important de pouvoir reconnaître les formes et suivre les objets rapidement dans un environnement qui n’est pas entièrement prévisible et où la luminosité est souvent mauvaise ou variable. « Nous essayons d’atteindre une précision de l’ordre du millimètre sans perdre en vitesse et en flexibilité, souligne Giulio Aielli, de l’Université de Rome Tor Vergata, qui coordonne l’équipe chargée du développement de la technologie de réalité augmentée. Étant donné que les systèmes actuellement disponibles n’offrent pas encore cette possibilité, nous développons notre propre solution : la technologie Weighting Resistive Matrix (WRM) ». Conçue initialement en 1992 à l’Université de Rome Tor Vergata pour des expériences de physique des hautes énergies, la technologie Weighting Resistive Matrix a été développée plus avant dans le cadre du projet EDUSAFE, puis a été associée à des technologies dernier-cri de vision artificielle par ordinateur et à des logiciels de reconnaissance des motifs développés à l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL).

Vue panoramique de la caverne d'ATLAS : les points radioactifs sont mis en évidence via la fonction de réalité augmentée des lunettes intelligentes portées par l’opérateur.


L’équipement de sécurité développé par le réseau EDUSAFE permettra d’identifier avec précision les points radioactifs. Grâce à une caméra à rayons gamma, en cours de développement par Canberra, une entreprise spécialisée dans des solutions de mesure nucléaire, le système analysera l’environnement et mettra en évidence les points radioactifs via la fonction de réalité augmentée des lunettes intelligentes portées par l’opérateur. « La difficulté est de penser à l’ensemble des mesures nécessaires pour identifier rapidement la source », explique Enzo Paradiso, de l’entreprise Canberra, également doctorant et chercheur en début de carrière au sein du réseau EDUSAFE. Et Alberto Crivellaro, de l’EPFL, autre chercheur participant au projet, d’ajouter : « Il est aussi nécessaire que les yeux soient bien positionnés par rapport à l’environnement en 3D et que l’on trouve un moyen de placer de façon cohérente toutes ces informations. »

Les applications technologiques de cet équipement innovant sont innombrables ; la collaboration a déjà mis en lumière de possibles synergies avec le domaine médical. « Nous cherchons à développer des solutions innovantes pour les chirurgiens, explique Olga Beltramello. Associée à l’imagerie médicale, la réalité augmentée peut en effet être utile pour guider le chirurgien au cours d’une opération. Celui-ci pourra prononcer une commande vocale, qui sera reconnue par le système de réalité augmentée, lequel positionnera alors dans l’espace les instruments nécessaires avec une extrême précision. Cela donnera au chirurgien un champ de vision inédit. »

Le projet EDUSAFE doit prendre fin en août, lorsque le premier prototype du système intelligent pourra être mis sur le marché. 
 

La collaboration EDUSAFE 

EDUSAFE (Education in advanced VR/AR Safety Systems for Maintenance in Extreme Environments) est une collaboration internationale dirigée par le CERN, dont les locaux se trouvent dans le bâtiment IdeaSquare.

La collaboration rassemble les entreprises et instituts suivants :

  • CERN
  • École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) (Suisse)
  • Université polytechnique nationale d'Athènes (Grèce)
  • Université de Rome Tor Vergata (Italie)
  • NOVOCAPTIS (incubateur d’entreprises i4G) (Thessalonique, Grèce)
  • Prisma Electronics SA (Alexandroúpoli, Grèce)
  • Université d’économie et de commerce d’Athènes (Grèce)
  • Canberra (filiale du groupe Areva spécialisée dans la mesure nucléaire) (France)
  • Institut pour les systèmes accélérateurs et leurs applications (Grèce)
  • Université technique de Munich (Allemagne)
  • Université de Caen Normandie (UNICAEN) (France)
  • Université Aristote (Thessalonique, Grèce)
  • Université Démocrite de Thrace (Grèce)


Elle assure la formation de dix chercheurs en début de carrière et de deux chercheurs expérimentés, d’horizons divers, et originaires du monde entier. Pour en savoir plus, consultez le site web d'EDUSAFE.

 

par Stefania Pandolfi