Un nouveau type de revêtement pour chasser les nuages

Le problème des nuages d’électrons exige des solutions innovantes, en particulier à l’approche du démarrage du programme HL-LHC. Le groupe Vide, surfaces et revêtements du CERN a grandement amélioré sa technique de revêtement de carbone amorphe, qui représente une alternative au processus de nettoyage utilisé jusqu’ici. Cette technique est à présent au point et est déjà utilisée pour les chambres à vide des aimants du SPS et les écrans de faisceau délicats des triplets de quadripôles du LHC.
 

La lumière violette est produite par le plasma d'argon utilisé pour la pulvérisation du carbone amorphe. La pulvérisation sur les écrans de faisceau est réalisée dans ce cas en exploitant le champ magnétique du quadripôle lui-même. (Image : Pedro Costa Pinto) 

Nous savons que le nettoyage (« scrubbing ») du tube de faisceau permet de réduire l’effet « boule de neige » créé par les électrons secondaires s’échappant des parois du tube, et évite ainsi la formation de nuages d'électrons non désirés. Mais il a également été observé que le nettoyage conduit naturellement à une augmentation de la concentration du carbone sur les surfaces du tube. « Nous en avons déduit que l’application d’un film fin de carbone sur les parois de la chambre à vide pouvait être une solution alternative au nettoyage du tube de faisceau », explique Paolo Chiggiato, chef du groupe Vide, surfaces et revêtements du département Technologie (TE-VSC).  

À la fin de l’année 2014, malgré les résultats prometteurs obtenus en recouvrant d’une fine couche de carbone amorphe (a-C) les parois internes des chambres à vide de 16 aimants du SPS, des problèmes persistaient, notamment l’origine mystérieuse de certaines variations dans le rendement d’électrons secondaires, à savoir le nombre d’électrons secondaires produit en moyenne par électron incident. Entre-temps, la direction du projet HL-LHC a demandé une étude de faisabilité pour le revêtement des triplets internes avec du carbone afin de se préparer aux futurs faisceaux du HL-LHC et pouvoir faire face à la charge thermique maximale connue du système cryogénique.

Il a fallu au groupe TE-VSC des mois de travaux intenses de R&D pour constater que la présence de fractions résiduelles d'hydrogène même très petites entraînait une augmentation du rendement d’électrons secondaires. « L’opération complète doit être réalisée dans des conditions d’ultravide (UHV) extrêmement bonnes afin d’éviter toute impureté », explique Mauro Taborelli, membre de la section Surfaces, chimie et revêtements (SCC) du groupe TE-VSC.

En parallèle, Pedro Costa Pinto, conjointement avec l’équipe revêtements de la section SCC du groupe VSC, a travaillé à l’amélioration de la cathode creuse utilisée précédemment pour le revêtement des 16 aimants du SPS. La nouvelle conception consiste en une série de modules de courtes cathodes au lieu d’un seul dispositif plus long de dépôt du revêtement. Les modules plus courts sont assemblés sur place au cours de l’insertion, ce qui permet aux experts de recouvrir à chaque fois deux dipôles adjacents du SPS in situ, sans avoir à déplacer les chambres à vide dans le tunnel.

Une solution encore plus complexe a été mise au point pour le revêtement des triplets de quadripôles en vue du programme HL-LHC. Le problème des nuages d’électrons sera particulièrement surveillé dans ces aimants car il y aura deux faisceaux dans le même écran de faisceau, et l’intensité et la brillance seront plus élevées que dans l'actuel LHC. Contrairement aux écrans de faisceau de CMS et d’ATLAS, ceux d’ALICE et de LHCb ne seront pas remplacés. Ainsi, l’écran de faisceau des triplets doit être traité sur place, sur près de 35 mètres, des deux côtés d’ALICE et de LHCb, où l’on ne dispose que d’un espace de 15 cm de long pour insérer un dispositif de dépôt.

Pour ces raisons, le groupe TE-VSC a mis au point deux techniques de dépôt supplémentaires, spécialement pour les triplets du LHC. La première consiste à exploiter le champ magnétique du quadripôle proprement dit pour pulvériser du carbone sur les écrans de faisceau et renforcer ainsi l’efficacité du dépôt. Si cela s’avère insuffisant, une autre solution consiste à placer des aimants permanents dans la cathode afin de pouvoir couvrir l’interconnexion entre les aimants, où l’on ne peut tirer parti d’aucun champ magnétique.

À ce jour, le programme des travaux consiste à couvrir progressivement un sextant des dipôles de type B et la moitié des quadripôles du SPS, in situ, durant le prochain arrêt technique hivernal prolongé et durant le LS2, dans le cadre du projet LIU (Amélioration des injecteurs du LHC). Concernant les triplets du LHC, l’étude de faisabilité sera achevée à la fin de cette année, et le processus de dépôt pourrait commencer dès le LS2 dans les régions des triplets situés de part et d’autre de LHCb et d’ALICE.

par Stefania Pandolfi