LHC : le miracle va bien avoir lieu par Frank Close

Après 25 années où se sont succédés rêves, plans, travaux de conception et de construction, le LHC est enfin achevé.

Frank Close, du centre de physique théorique Rudolf Peierls, Université d’Oxford, a été chef du groupe Communication du CERN. Il est récemment revenu donner une session de cours aux étudiants d’été.

Chacun retient son souffle à la perspective des découvertes à venir: peut-être le boson de Higgs, la supersymétrie, ou encore des phénomènes que personne n’avait imaginés. Au moment où les médias du monde entier tournent leur regard vers le CERN, prenons le temps de faire un retour sur nous-mêmes. Avant de pouvoir appréhender peut-être un monde nouveau, réfléchissons à ce qui nous a permis d’en arriver là et souvenons-nous d’où nous somme partis lors que le rêve a commencé. Au début de cette aventure, étions-nous seulement convaincus que le LHC verrait vraiment le jour?

Nous croyons tous qu’il fonctionnera. La physique des particules n’en est après tout pas à son galop d’essai. Mais il y a vingt ans, personne ne savait si l’on allait pouvoir y arriver. Une machine capable de recréer ce qu’était l’Univers à ses débuts ne s’achète pas dans un catalogue d’instruments scientifiques. Il faut la construire soi-même. Et c’est là que les problèmes surviennent. Il s’agit d’une entreprise véritablement mondiale qui, transcendant les capacités d’un continent isolé et portée par une ambition sans précédent, devra relever des défis financiers et politiques inégalés. À l’époque, les techniques d’avant-garde dans le domaine de la cryogénie, des aimants, de la technologie de l’information ainsi que dans bien d’autres disciplines scientifiques et technologiques étaient loin d’avoir atteint le niveau requis pour que le LHC puisse fonctionner. Tout le projet reposait sur la conviction que, lorsque les esprits les plus éminents venus du monde entier se concentrent sur un objectif commun, des idées brillantes voient le jour pour résoudre chacun des problèmes susceptibles de mettre un terme à l’aventure. Nombreux étaient ceux qui craignaient que la physique des particules n’ait eu les yeux plus gros que le ventre, qui pensaient que le LHC était trop ambitieux ou que nous avions atteint les limites de nos connaissances et de nos capacités d’exploration.

Et voilà qu’aujourd’hui, le moment que nous attendons tous est sur le point d’arriver: lorsque les circuits seront mis sous tension, que les faisceaux guidés par des aimants plus froids que l’espace intersidéral circuleront dans les tubes à vide avec suffisamment d’intensité pour se percuter, et que les gigantesques détecteurs enverront des signaux à des ordinateurs aux aguets. Pour moi, l’existence même du LHC tient du miracle. Les découvertes seront la cerise sur le gâteau. Aussi, en ce jour de gloire, avant de nous demander quels nouveaux horizons seront révélés, prenons un moment pour nous souvenir de ces milliers d’esprits aventureux grâce auxquels cette nouvelle merveille du monde est devenue réalité. Et célébrons ce symbole de l’aventure humaine.