SESAME : la physique au service de la paix au Moyen-Orient

Allan, Jordanie. La physique des particules peut œuvrer pour la paix entre les nations. Prévu pour être opérationnel d’ici 2011, SESAME, le Centre international de rayonnement synchrotron pour les sciences expérimentales et appliquées au Moyen-Orient, unifie les pays de la région.

Site de construction de SESAME (Photo de R. Sarraf, copyright: Al-Balqa Applied University).

SESAME est situé sur la rive est du Jourdain, à 30 km d’Amman. Né de la collaboration de neuf membres, dont la Jordanie, Israël, le Pakistan, la Turquie, l’Égypte et la Palestine, le projet a été créé sous l’égide de l’UNESCO. Suivant le modèle du CERN, SESAME pourrait promouvoir la paix en formant une nouvelle génération de scientifiques de toute la région à travailler sur une installation synchrotron. De même que le CERN a permis à des scientifiques de toute l’Europe de se rassembler pour travailler ensemble aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, SESAME pourrait constituer un espace où la science se construit en même temps que la paix.

Les premières discussions concernant l’accélérateur se sont tenues en 1997 et 1998 lors de deux réunions internationales organisées par le CERN, où il a été proposé de donner BESSY 1, le synchrotron démantelé à Berlin, à SESAME. Depuis, le projet s’est développé : les plans du synchrotron ont été améliorés pour donner naissance à une source de lumière de troisième génération, avec des dispositifs d’insertion et des lignes de faisceaux intégrés, pouvant être utilisée dans de nombreux domaines scientifiques. Hafeez Hoorani, directeur scientifique de SESAME, explique l’intérêt du projet : « Les dispositifs d’insertion fournissent des faisceaux de photons très intenses et de grande énergie. Ces faisceaux de photons permettent aussi bien d’explorer la structure de l’ADN ou des enzymes que de travailler sur la science des matériaux, l’étude de l’environnement, la chimie ou dans de nombreuses autres disciplines. Il s’agit donc d’équipements très polyvalents qui couvrent un spectre d’énergie très large. »

La première partie de l’accélérateur, l’injecteur - ou « microtron » - a été mis en service au mois de février de cette année. Pour les scientifiques travaillant sur ce projet, la prochaine étape consiste à assembler des « lignes des faisceaux » comparables aux détecteurs du LHC. Celles-ci sont offertes par des laboratoires de physique européens du Royaume-Uni, de France et de Suisse et seront réassemblées et adaptées aux besoins propres à SESAME.

À mesure que le projet se développe, un des enjeux principaux est de s’assurer que la région compte assez de scientifiques et de techniciens qualifiés pour faire fonctionner l’accélérateur. Cette contrainte pourrait être une excellente occasion de rassembler des personnes venant de différents pays. Lorsque le projet a été lancé, seules la Turquie et Israël étaient en mesure de fournir des scientifiques qualifiés. Aujourd’hui, il existe une structure, mise sur pied par l’Agence internationale de l’énergie atomique, le ministère de l’énergie des États-Unis et l’Union européenne, pour former des scientifiques en Europe et aux États-Unis. « Pour vous donner un exemple, notre première réunion d’utilisateurs, qui s’est tenue en l’an 2000, avait rassemblé seulement 60 participants dont un tiers venait de l’étranger et deux tiers de la région ; notre dernière réunion, elle, a rassemblé 250 participants et tous venaient de la région. On peut donc dire qu’en sept ans nous avons multiplié par quatre le nombre de scientifiques. C’est cela qui unifie réellement la région », explique Hafeez Hoorani.

Les liens entre SESAME et le CERN se sont particulièrement renforcés depuis l’an 2000, lorsque Herwig Schopper, ancien directeur général du CERN, a été nommé à la tête du Conseil de SESAME. Herwig Schopper a supervisé les différentes étapes du projet : première ébauche sur papier, recherche du site, puis construction de la machine. La tradition va se perpétuer puisque Chris Llewellyn Smith, également ancien directeur général du CERN, succédera à M. Schopper cette année.

Le projet a une valeur symbolique très grande, dont M. Hoorani est pleinement conscient : « Lorsqu’il s’agit de science, les gens ne se battent pas, ils ne sont pas préoccupés par leurs différences culturelles ou religieuses. Ils parlent un langage commun : le langage scientifique. Ce n’est pas uniquement la science du CERN que nous souhaitons transmettre à SESAME, mais aussi sa culture. »

Pour plus d’informations sur SESAME:

http://www.sesame.org.jo/index.aspx