Une astroparticule du CERN prête à voyager dans l’espace

Le CERN s’apprête à lancer un neutralino en orbite. Mais comment envoie-t-on dans l’espace une particule prédite théoriquement, mais pas encore découverte ? Rien de plus facile – Demandez à un astronaute de la prendre avec lui !


Christer Fuglesang, astronaute de l’Agence spatiale européenne (ESA) et expert pour la mission STS-116, participe à la deuxième activité extravéhiculaire de la mission alors que reprennent les travaux de construction de la Station spatiale internationale. Image: NASA.


La particule en peluche avec le logo CERN faite à la main par Julie Peasley (http://www.particlezoo.net/) et emmenée dans l’espace par Christer Fuglesang.

Certains viennent au CERN et n’en repartent jamais. Mais ceux qui échappent à la force gravitationnelle du Laboratoire travaillent ensuite souvent dans des domaines extrêmement variés dans le monde entier. Pour découvrir à quoi peut ressembler « la vie après le CERN », le Bulletin lance une nouvelle série d’entretiens avec d’anciens membres du Laboratoire. Dans ce numéro, nous commençons avec un ex-physicien du CERN de haut vol : Christer Fuglesang. Pour sa prochaine mission avec la NASA (STS-128), il sera à bord de la navette spaciale Discovery.

Vous l’aurez compris, il ne s’agit pas d’un véritable neutralino, mais d’une imitation ludique créée par Julie Peasley, la gardienne d’un zoo très particulier. La peluche rejoindra la Station spatiale internationale (ISS) après un vol de 13 jours aux côtés de Christer Fuglesang, ancien physicien du CERN devenu astronaute.

Christer Fuglesang a débuté sa carrière au CERN sur l’expérience UA5. Puis, il a travaillé sur l’expérience CPLEAR et à ATLAS avant d’être sélectionné pour rejoindre en 1992 le corps des astronautes de l’Agence spatiale européenne (ESA). En souvenir de ses années au CERN, il tenait à prendre avec lui lors de sa prochaine mission dans l’espace quelque chose rappelant le Laboratoire. Plutôt qu’une casquette de baseball ou un tee-shirt du CERN, il emportera un neutralino conçu spécialement pour l’occasion, arborant les logos du CERN et de l’ESA. Le neutralino a été choisi parce qu’il se situe à la croisée de l’astrophysique et de la physique des particules.

Le prochain vol vers l’ISS de Christer Fuglesang est prévu fin août. Il s’agira de son deuxième voyage dans l’espace. Originaire de Stockholm, il a également eu l’honneur d’être le premier Suédois à effectuer un vol spatial en 2006. Malgré un programme d’entraînement très chargé, Christer a réussi à nous accorder quelques instants pour nous parler de sa vie en tant que physicien des particules puis d’astronaute.

Pourquoi vouloir emporter quelque chose du CERN dans l’espace ?

Je me suis toujours senti proche du CERN et je suis toujours passionné par la physique des particules, même si mon travail actuel m’en a un peu éloigné. De plus, l’ESA et le CERN sont deux organisations scientifiques européennes couronnées de succès, pour qui j’ai eu la chance de travailler. Le lien me semblait évident. J’ai adoré travailler au CERN, dans un environnement simulant, entouré d’esprits scientifiques toujours prêts à se lancer dans des discussions intéressantes.

Votre expérience au CERN vous a-t-elle donné un coup de pouce pour entrer à l’ESA ?

Les astronautes proviennent d’horizons très différents : pilotes dans l’armée, ingénieurs, médecins ou chercheurs dans différentes branches des sciences naturelles, y compris la physique. Je pense que mon expérience au CERN m’a donné une longueur d’avance car j’avais travaillé dans de grandes collaborations internationales. En plus j’avais une expérience pratique des matériels et des logiciels informatiques utilisés par les expériences.

Quels sont les avantages et les inconvénients du métier d’astronaute ?

Les avantages ? La diversité du travail : voler en avion, travailler sous l’eau en piscine, répéter dans des simulateurs et suivre un entraînement physique intense. Mais surtout, le vol proprement dit, une formidable aventure qui vient couronner un travail passionnant. Les inconvénients ? Le peu d’influence que l’on a sur sa propre situation et sur ce que l’on fait. On suit les instructions. Peu de place pour la créativité ici.

Votre expérience de la physique expérimentale des particules vous a-t-elle aidé à devenir astronaute ?

Pas à proprement parler. Mais, plus généralement, au CERN, les expériences sont grandes et techniquement complexes, et elles impliquent un nombre important de personnes. C’est un peu pareil pour les véhicules spatiaux. Mon expérience de la physique des particules m’a servi pour travailler sur les effets des rayonnements cosmiques qui frappent les astronautes quand ils sont dans l’espace - Un héritage direct de mes années au CERN. Toutefois, ce n’est pas quelque chose d’habituel.

Quelle sera votre prochaine mission ? Et après ?

Je m’envolerai avec la mission STS-128, dont le lancement est prévu le 25 août. Un vol de 13 jours à bord de la navette spatiale Discovery à destination de la Station spatiale internationale (ISS). Il s’agit d’amener de la logistique à l’ISS. Nourriture, vêtements et autre pour que les six membres d’équipage permanent puissent survivre. Nous embarquons également de nouvelles expériences et des pièces de rechange pour le futur. Nous remplacerons notamment un grand réservoir d’ammoniaque servant à la régulation thermique de la station et situé à l’extérieur de celle-ci. Deux sorties complètes dans l’espace seront nécessaires. Je ne pense pas que je pourrai participer à d’autres missions après celle-ci. Ce n’est pourtant pas l’envie qui me manque, mais d’autres astronautes européens attendent leur tour et les possibilités de vols à l’ESA sont peu nombreuses.

Plus d’information sur la mission STS-128.