Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le boson de Higgs sans jamais oser le demander

Particule de Dieu, origine de la masse de toutes les autres particules, principale raison d’être du LHC, pièce manquante du modèle standard... Ces qualificatifs suffisent à alimenter de nombreux articles de presse et de faire les gros titres du monde entier. Pourtant, ils n'expliquent pas ce qu'est véritablement cette célèbre particule. Le Bulletin part à la découverte théorique du boson de Higgs avant que le LHC ne le fasse en pratique (s’il existe !).
 

Soyons clairs : si l’on part du principe que les théories de la physique les plus consensuelles sont correctes, l’Univers baigne dans une sorte d’« éther » (un « champ » dans le vocabulaire de la physique) qui n’a pas encore été découvert ; le vide n’est pas vide et les particules acquièrent une masse grâce à l’interaction avec ce champ. Peut-être l’avez-vous déjà deviné : le champ en question est produit par la star des particules, le boson de Higgs.

Le boson de Higgs doit son appellation à l’un des chercheurs à l’origine de la théorie du même nom. On pense qu’il n'aurait ni charge électrique, ni spin. Quant à sa masse, selon des recherches infructueuses menées au LEP et des mesures précises des interactions faibles, elle se situerait entre 114 GeV et environ 200 GeV. Cette estimation est correcte si nous restons strictement dans le cadre du modèle standard, qui regroupe les théories qui forment notre compréhension actuelle du comportement des particules. Cependant dans le cadre de théories allant au-delà du modèle standard, sa masse pourrait atteindre 1 000 GeV au maximum, cette limite étant fixée par les lois fondamentales de la nature. Les estimations de la masse du boson de Higgs ont servi à définir les paramètres techniques du LHC, notamment l'énergie de collision et la luminosité. « Les paramètres du LHC et la performance des détecteurs sont optimisés pour découvrir le boson de Higgs du modèle standard, ou toute autre chose qui pourrait attribuer une masse aux particules », explique Michelangelo Mangano, du groupe Théorie. En d'autres termes, il existe forcément une particule à découvrir et le LHC va y parvenir. Reste à savoir s’il s’agit bel et bien du boson de Higgs, doté des mêmes propriétés que celles prédites par la théorie du même nom.

Pourquoi la nature semble-t-elle avoir autant besoin de cette particule ? Dans la nature, il existe deux états d’hélicité pour les particules, qui peuvent être « gauches » ou « droites » (voir encadré). « Les particules gauches sont sensibles à l’interaction faible, dont la radioactivité est la manifestation, contrairement aux particules droites. L’hélicité agit comme une sorte de charge pour la force faible, 1 pour une particule gauche, 0 pour une droite », explique M. Mangano. Les particules possédant une masse pourront néanmoins être considérées comme gauches ou droites, selon le cadre de référence choisi par l’observateur (voir encadré). Toutefois, un phénomène naturel ne peut dépendre d’un système de référence spécifique utilisé par les chercheurs dans leurs calculs, et la sensibilité des particules à la force faible ne saurait être une propriété définie de manière si peu exacte. Vous cernez le problème à présent : où peut bien disparaître la charge faible d’une particule gauche (1) lorsqu’elle apparaît comme droite (0) ? D’autre part, comment la nature décide-t-elle de donner ou non une masse à une particule (entraînant le problème de l’hélicité de la particule) ?

Selon le mécanisme de Higgs, la propriété que l’on mesure à l'échelle macroscopique comme étant la « masse » est le résultat, en termes microscopiques, d’un échange dynamique de quanta entre une particule dépourvue de masse et le champ présent dans l’Univers. « Une particule massive bascule constamment de l’état de particule gauche à celui de particule droite, en échangeant un quantum du champ de Higgs de charge faible avec l’« éther ». L’« éther » retient la charge faible de la particule gauche lorsque celle-ci devient droite. De cette manière, la charge faible est toujours conservée et aucune contradiction n’apparaît », conclut M. Mangano.

Que le boson de Higgs soit une particule élémentaire, comme le veut le modèle standard, ou qu’il s’agisse d’un objet plus complexe, que cette particule soit unique, ou qu'il en existe plusieurs, l’existence d’un phénomène nouveau est nécessaire pour comprendre la présence de particules massives dans un monde où l’hélicité gauche domine. Les expériences du LHC devraient résoudre cette énigme et connaître le fin mot de l’histoire. Toutefois, il faudra être patient... Étant donné la complexité du problème et la rareté des phénomènes qui pourraient prouver expérimentalement l’existence du boson, plusieurs années de collecte de données et d’analyses seront nécessaires pour reconstituer le puzzle.

Pour plus d’informations : lien vers l’article des enseignants.



Encadré – Les particules droites et gauches

En physique des particules, le spin (S dans le dessin ci-dessous) est une propriété fondamentale des particules, qui est représentée par un nombre quantique. Les valeurs permises de S sont : 0,1/2, 1, 3/2, 2, etc. Les particules de spin demi-entier sont des fermions. Parmi les fermions, on trouve les électrons, les positrons, les quarks (qui forment les protons et les neutrons) et les neutrinos. Les particules de spin entier sont des bosons. Parmi les bosons, on trouve le boson de Higgs, le gluon, le photon, etc. La plupart des bosons élémentaires connus ont un spin égal à 1. Les exceptions sont le boson de Higgs (dont le S devrait être égal à 0) et le graviton (dont le S devrait être égal à 2).


Le spin d’une particule sert à définir son hélicité, c’est-à-dire s’il s’agit d’une particule droite ou gauche : une particule est droite si la direction de son spin est la même que celle de son mouvement. Une particule est gauche si la direction de son spin est opposée à celle de son mouvement.

Cependant, parce que la direction du mouvement dépend du système de référence, lorsque l’on choisit un système de référence qui se déplace plus rapidement que la particule (ce qui est toujours possible pour les particules massives qui ne peuvent pas se déplacer à la vitesse de la lumière), la particule apparaîtra comme gauche dans ce cadre de référence, même si elle a auparavant été considérée comme droite dans un autre système.


par CERN Bulletin