MARS, un bon système pour le CERN ?

L’avancement au CERN : de ses débuts à nos jours

Lors des trente premières années de son existence, l'Organisation a connu un système d'avancement « à l'ancienneté », basé sur des « grades ». À la fin des années 1980, un tiers du personnel s’est retrouvé bloqué en fin de grade, ce qui était source de démotivation. C’est la raison pour laquelle, en 1991, un outil d'évaluation des performances, le MOAS, a été créé. Introduisant la notion de filières de carrière, ce nouveau système s’appuyait sur une politique d'avancement au mérite censée créer de nouveaux facteurs de motivation. Depuis, le MAPS lui a succédé et finalement, le 1er janvier 2007, le MARS a été mis en œuvre dans le cadre de la précédente révision quinquennale.Toutefois, vingt ans après l'introduction du MOAS, on s'interroge sur ces « nouveaux facteurs de motivation ». En effet, nos différentes enquêtes sur cette période ont invariablement mis en évidence que l’évolution des carrières demeurait un sujet de grande préoccupation parmi le personnel, qui l’a placé au sommet des priorités à traiter par l'Association.

L'entretien annuel est particulièrement apprécié du titulaire et de son superviseur. C’est l’occasion d’échanger sur son travail, les ressources mises à disposition, les objectifs, les besoins en formation. Plus avant dans le processus, le titulaire a la possibilité de faire ses commentaires sur les appréciations de sa hiérarchie. Toutefois, le lien étroit entre le MARS et l'avancement peut être source d’une certaine crispation.

À l’introduction du MARS en 2007, la valeur de l'échelon est passée de 2% à 1,3% du salaire de base tout en préservant le budget consacré à l’avancement. Des directives de distribution (minima et maxima) de ces échelons sont données aux Départements. Ainsi, le système MARS impose, a priori, d'allouer le seul échelon périodique à au moins un quart de la population.

Des échelons supplémentaires

Un financement supplémentaire du budget d’avancement découle d’une décision du Conseil du CERN en 2006. Ainsi sont transférées vers ce budget les économies engendrées par le remplacement de l'indemnité de non-résidence par l'indemnité internationale. En 2009 et 2010, 250 échelons supplémentaires ont permis de dégripper un système MARS surcontraint.

Par ces injections supplémentaires, les superviseurs ont pu correctement récompenser le mérite, tout en respectant les directives imposées. C’est tout naturellement que le maximum de la distribution se situe à deux échelons pour être compatible avec la situation qui prévalait dans MAPS, même si ce dernier système attachait plus d’importance au travail collectif et à la responsabilité de groupe.

Protection du budget d’avancement

Le MARS a permis de protéger le budget d'avancement en le définissant par filière et par personne éligible. La reconnaissance du mérite ne semble pas être distribuée uniformément à travers les filières, comme clairement indiqué dans le tableau 1, qui montre le budget dépensé dans chaque filière pour l’exercice 2010 (en pourcentage) par rapport au nombre « prédit » d’échelons disponibles (deux par titulaire éligible + une partie proportionnelle aux éligibles du budget complémentaire). Dans les filières A à D, le budget d’échelons n’a pas été utilisé complètement, alors que les titulaires des filières E et F semblent être particulièrement méritants… Notons les « déficits » dans la filière G et surtout l’extension pour carrière exceptionnelle (ECE). Les personnes dans ces bandes et filières seraient-elles moins méritoires que les autres ?

Analyse des exercices MARS de 2007 à 2010

En étudiant les résultats des quatre derniers exercices d'avancement 2007 à 2010 (Fig. 1), nous observons que pour récompenser correctement le mérite, il faut un budget suffisant et en tout cas supérieur au nombre minimal d’échelons qui est égal à deux fois le nombre d’éligibles en bandes a, b et c plus une fois le nombre d’éligibles dans le ECE. Sans un supplément, les superviseurs en sont réduits à gérer la pénurie.

Tableau 1 : Distribution du pourcentage du budget de l’avancement utilisé en 2010 dans les bandes a, b et c par filière et globalement pour le ECE.

Fig. 1 : Distribution des échelons en 2007-2010

L’exercice MARS 2011 – Qu’est ce qui nous attend ?

Le Directoire élargi (Directeur-général, directeurs et chefs de département) aurait décidé, début février, que pour l’exercice MARS 2011, il y aura un complément de 125 échelons par rapport au budget « normal » d’avancement, qui prévoit deux échelons par personne éligible dans les bandes a, b et c et un échelon par personne éligible dans le ECE. C’est une diminution du nombre d’échelons supplémentaires de 50 % par rapport à 2010, ce qui ne manquera pas de mettre en difficulté les superviseurs qui ont souligné à, maintes reprises, qu’afin de récompenser correctement le mérite sans démotiver inutilement un grand nombre de titulaires, il faut un budget supplémentaire significatif pour l’avancement.

Le Directoire aurait même, un moment, imaginé imposer que le maximum de la distribution des échelons soit situé à la valeur de « 1 échelon » afin de permettre de mieux récompenser le mérite en favorisant les super performants (« high fliers »). Une telle mesure aurait été particulièrement inopportune seulement deux mois après que le Directeur général ait loué devant le Conseil du CERN, le dévouement et la compétence de l’ensemble du personnel grâce auxquels les magnifiques résultats du LHC en 2010 ont été obtenus et après avoir remercié ce personnel en accordant une prime de 1000 CHF à tous les titulaires. IL semblerait heureusement qu’une telle mesure ait été abandonnée, au moins pour cette année. Il est certain que, couplé à la diminution du nombre d’échelons supplémentaires (250 à 125), cette décision aurait été un signal catastrophique envers le personnel qui doit continuer à donner le meilleur de lui-même ces prochains mois, avec son lot de défis à affronter et de problèmes à résoudre.

Augmentation du budget d’avancement en 2011 – Oui mais où et comment ?

Après les résultats de la révision quinquennale 2010 nous nous attendions à ce que le budget d’avancement de 2011 par rapport à 2010 soit nettement en augmentation. C’est le cas. En effet, la valeur de l’échelon a augmenté comme les traitements de base dans les filières D, et E, F, G (qui ont vu une hausse de 1 % et 2 %, respectivement). De plus, la valeur de d’échelon dans les filières F et G a été revalorisée à respectivement 1,37 % et 1,36 % de la valeur de l’échelon d’entrée de la filière de carrière. Rappelons ici que cette mesure correspond à un juste réalignement de la valeur de l’échelon en F et G au même pourcentage que celui déjà en vigueur depuis 2007 dans toutes les autres filières de carrière. Tout cela pour conclure que le budget d’avancement a particulièrement augmenté dans les filières F et G.

Attention danger

Constatant par ailleurs que, lors des précédents exercices, les échelons supplémentaires ont eu tendance à surtout récompenser le mérite dans les filières E et F (voir en particulier le tableau 1), la diminution de 250 (en 2009 et 2010) à 125 unités du nombre d’échelons complémentaires prévu pour l’exercice pourra être perçue comme une « double peine » pour les filières A à C. En effet ces filières n’ont pas bénéficié d’augmentation de salaire en 2011, contrairement aux autres filières. Pourquoi cette diminution de 125 échelons, quelle est la différence avec 2010 en ce qui concerne l’anticipation du transfert des économies, réalisées surtout à partir de 2015 ? Certains pourraient avoir l’impression que cette augmentation de budget de l’avancement en F et G est financée en partie par la diminution de nombre d’échelons ce qui correspond à un transfert d’un groupe du personnel vers un autre groupe. Les superviseurs doivent donc être extrêmement attentifs à récompenser d’une façon juste et transparente le mérite des tous leurs collaborateurs, aussi ceux qui sont « moins visibles » ou qui se font « moins remarquer ».

L’Association du personnel a déjà réagi au niveau de la Direction en indiquant que pour l’exercice MARS 2011, 250 échelons complémentaires doivent être prévus tout comme en 2009 et 2010. La concomitance entre l’augmentation des budgets avancement en F et G et la diminution du nombre d’échelons complémentaires prévus pour l’ensemble du personnel est particulièrement malheureuse et sera perçue comme une double peine par beaucoup. L’Association continuera de dénoncer cette situation dans les jours qui viennent et souhaite vivement qu’une issue favorable pour tous soit trouvée.

Le MARS, un système mal adapté au CERN

La Direction et certains chefs de département semblent désirer plus de différenciation dans la distribution des échelons avec un maximum situé à « un échelon ». De son côté l’Association considère que le seuil réel de reconnaissance d'un travail satisfaisant dans le MARS se situe pour tous les titulaires au niveau d'une performance qualifiée de « particulièrement méritoire » conduisant à un avancement de deux échelons.

Depuis un demi-siècle, le succès du CERN est basé sur la complémentarité des compétences, la collaboration des individus, le partage des tâches et du savoir-faire et le libre flux des informations par une ouverture absolue dans les échanges. Casser cette mécanique pour la remplacer par une évaluation du mérite individuel dans le cadre d’un système à contraintes imposées (minimum x % de « un échelon », entre y % et z % de « deux échelons », etc.) est une aberration. S’il n’est pas utilisé avec une extrême modération, comme entre 2007 et 2010, où les « punitions à un échelon » ont été minimisées grâce aux échelons supplémentaires, un tel système reste dominé par trop de subjectivité dans l’évaluation des personnes, ce qui est perçu comme une porte ouverte sur l'arbitraire. Le résultat est connu d'avance : trop d’individualisme, une compétition inutile, une jalousie accrue, un sentiment d’injustice, voire d’insécurité. Tout ceci ne peut que mener à une perte de motivation pour une grande partie du personnel soit l’effet inverse des objectifs initiaux.

Depuis le début, l'Association se pose la question s’il vaut vraiment la peine de dépenser tant de ressources et de temps pour un système qui ne montre de vrais avantages que pour une minorité du personnel (les « high flyers » qui reçoivent trois échelons supplémentaires ou plus). Qui a fait une évaluation pour vérifier si les objectifs du système MARS ont été atteints et pour déterminer où est sa valeur ajoutée ? Un système uniquement basé sur le mérite individuel, est-il vraiment adapté à une organisation scientifique comme le CERN ? Pour nous la réponse est « NON ! », et nous le ferons savoir !

par Association du personnel