ISOTDAQ : une école unique en son genre

La recherche en physique des particules a de nombreux besoins particuliers et elle doit parfois développer son propre savoir-faire pour que les systèmes qu’elle utilise restent opérationnels. Pour des domaines spécialisés comme la cryogénie ou la technologie haute tension, les laboratoires organisent souvent leurs propres formations. Le CERN a fait de même en lançant une série d’écoles internationales du déclenchement et de l’acquisition de données (ISOTDAQ). L’édition 2012 ISOTDAQ, la troisième du genre, a suscité beaucoup d’enthousiasme parmi la future génération de spécialistes du domaine.

 

Markus Joos au cours d'une session pratique de tutorat.

« Je peux vous rappeler dans une heure environ ? Je suis en plein milieu d’une session pratique de tutorat avec quatre étudiants », a répondu Markus Joos, l’un des organisateurs, lorsque le Bulletin l'a appelé pour lui poser des questions sur l’École ISOTDAQ 2012, qui s’est déroulée à Cracovie (Pologne) du 1er au 8 février. Il a ensuite expliqué que l’École est consacrée pour moitié à ce genre de sessions pratiques, au cours desquelles les étudiants s’exercent avec des ordinateurs, du matériel électronique et même un petit détecteur de muons. L’autre moitié consiste en des conférences plus théoriques.

D'après les participants, le concept de l’École est l’un des facteurs qui contribuent à son succès. « C'est vraiment bien de pouvoir manipuler du matériel et de faire un peu de programmation pendant les sessions en laboratoire, souligne Sandra Saornil, qui, lorsqu’elle ne participe pas à cette école, travaille au sein du groupe responsable du trajectographe au silicium de LHCb. Les autres écoles ont une approche plus théorique ; ici, on peut réellement voir comment le matériel fonctionne. »

Pour permettre la tenue de ces sessions pratiques, 600 kg de modules électroniques et d’ordinateurs sont expédiés du CERN vers le lieu d’organisation de l’École. Le reste du temps, les équipements sont maintenus en état de fonctionnement dans un laboratoire permanent au CERN. « Nous en avons besoin pour former ceux qui assumeront le rôle de tuteurs à l'École, explique Markus Joos. Ils sont également utilisés pour des opérations de sensibilisation et mis à la disposition des étudiants d’été qui le souhaitent. »

L’École et son laboratoire sont une ressource unique, pour ainsi dire, car il existe très peu d’endroits où l’on peut acquérir une expérience pratique dans le domaine du déclenchement et de l’acquisition de données, hormis en cours d’emploi. « Nous avons réalisé que les universités et les instituts forment le futur personnel, mais n'offrent pas de formation dans le domaine du déclenchement et de l’acquisition de données, un domaine trop spécialisé pour des cours universitaires », explique Gökhan Ünel, à l’origine de la première École ISOTDAQ. Celle-ci a été organisée en 2010 à Ankara (Turquie) ; les éditions suivantes ont eu lieu à Rome (Italie), en 2011, et à Cracovie, en 2012. « Nous avons déjà des candidats pour les deux prochains lieux d’accueil », relève Markus.

Le succès de cette école devrait, on l’espère, perdurer, car les organisateurs ont pris soin de ratisser large. « Le déclenchement et l’acquisition de données est un concept générique. Il peut s’appliquer à une expérience menée en laboratoire par une seule personne, comme à un projet de la taille de ceux des détecteurs du LHC, et notre programme tient compte de cette diversité », explique Krzysztof Korcyl, chercheur à Cracovie et membre de la collaboration ATLAS, qui s’est beaucoup investi dans l’organisation de l’École au plan local. Le programme très large de l’École explique pourquoi celle-ci attire des participants venus de disciplines très diverses, du CERN et d’ailleurs, qu’ils soient physiciens, informaticiens ou ingénieurs. « Nous espérons que l’École contribue réellement à un transfert de connaissances du CERN vers d’autres utilisateurs », conclut Markus.

ISOTDAQ 2012 en chiffres :

- 48 étudiants, originaires de la plupart des pays d’Europe, mais aussi d’Inde et du Canada ;

- 20 conférenciers et tuteurs ; 4 des tuteurs participent au projet Marie Curie ACEOLE ;

- accueillie par le Département de physique, mathématiques et  informatique de l’Université de technologie de Cracovie et co-organisée par l’Institut de physique nucléaire de l’Académie polonaise des sciences de Cracovie ;

- coparrainée par le programme Marie Curie ACEOLE et l’Académie polonaise des sciences, qui ont financé totalement ou partiellement 15 étudiants ;

- un exercice parrainé et organisé par un représentant de National Instruments.

 

par Joannah Caborn Wengler