Le CERN, nouveau producteur d'isotopes médicaux

Salué lors de la conférence médicale ICTR-PHE 2012 (voir les n°10-11/2012 et 12-13/2012 du Bulletin), un projet prometteur vient de voir le jour au CERN. Baptisé MEDICIS, il permettra de produire une large variété d’isotopes radioactifs pour la recherche médicale.

 

Superposée sur un dessin de Leonard de Vinci, cette image du cerveau a été obtenue par PET-scan après injection d’une molécule incorporant un émetteur de positron. CERN-MEDICIS produira de nouveaux isotopes pour l’imagerie, qui permettront notamment des tissus cancéreux et de les détruire en émettant une radiation localisée lors de leur décroissance radioactive.

Aux États-Unis, un nouveau médicament à base de radium agissant sur les métastases osseuses est sur le point d’être commercialisé. Capable d’agir à l’échelle d’une cellule, le radium constitue en effet une arme de pointe pour combattre certains cancers, et ouvre la voie à une nouvelle forme de médecine. Une voie que le CERN a décidé d’emprunter à travers le projet CERN-MEDICIS* (pour Medical Isotopes Collected from ISOLDE).

« À ISOLDE, nous pouvons produire 1000 isotopes radioactifs, rappelle Thierry Stora, chef du projet CERN-MEDICIS et de l’équipe Développement des cibles et sources d’ions à ISOLDE. L’objectif du projet MEDICIS serait d’utiliser cette expertise et l’infrastructure d’ISOLDE pour produire des isotopes radioactifs intéressants sur le plan médical. »

Les cibles d’ISOLDE sont bombardées par des faisceaux de protons. Or, seul 10% des faisceaux sont stoppés dans les cibles et remplissent leur objectif, les 90% restants étant inutilisés. En plaçant une seconde cible, pour MEDICIS, derrière la première, une partie des faisceaux perdus peut être réutilisée. « Nous pouvons ainsi produire des isotopes spécialement pour la médecine, sans interférer avec les activités d’ISOLDE », souligne Thierry Stora. Une fois la seconde cible bombardée et les isotopes « médicaux » créés, l’échantillon sera envoyé dans une cellule blindée, dans le laboratoire d’ISOLDE, grâce à un système de transport pneumatique. « Le système de transport et la cellule blindée seront financés par le Fonds dédié au transfert de connaissances (voir l’article paru dans le Bulletin 04-05/2012), se réjouit Thierry Stora.

Une fois l’échantillon réceptionné dans la cellule blindée, un opérateur procèdera à l’extraction des isotopes radioactifs. De petits lots d’isotopes très purs seront alors constitués, puis envoyés dans des laboratoires externes, où ils serviront à la recherche médicale. « Le projet CERN-MEDICIS est soutenu par les Hôpitaux Universitaires de Genève, le Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV) à Lausanne et l’Institut Suisse de Recherche Expérimentale sur le Cancer (ISREC) de l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL). Il réunit des oncologues, des chirurgiens, des médecins nucléaire, des chercheurs et des experts d’ISOLDE : une vraie équipe de choc ! », s’enthousiasme Thierry Stora.

Dans le futur, MEDICIS devrait s’associer à d’autres instituts européens spécialisés dans la production d’isotopes radioactifs dédiés à la recherche médicale.


*Notez que le nom « MEDICIS » n’a pas encore été approuvé et pourrait être modifié.

Comment produire des isotopes ?

En bombardant un matériau donné avec un faisceau de protons, les experts d’ISOLDE parviennent à en modifier la structure. En effet, en cassant les noyaux des atomes constituant la cible, il est possible de créer de nouveaux éléments, et notamment, des  isotopes radioactifs.

Pour casser les noyaux, trois solutions : la fragmentation - un petit morceau est arraché du noyau, aboutissant à la formation d’un noyau plus léger ; la fission - un gros noyau est cassé en deux noyaux moyens ; et la spallation - des protons et des neutrons sont éjectés du noyau, engendrant un noyau proche de celui d’origine.

La cible bombardée peut être dans des matériaux très variés : titane, plomb, céramique, etc. Ainsi, c’est en jouant sur le type de cible et la méthode utilisée qu’ISOLDE est capable de produire autant d’isotopes radioactifs différents.

 

par Anaïs Schaeffer