Le CERN, un laboratoire d’excellence sociale

Le Salon RH 2012, point de rencontre des professionnels de la branche ressources humaines (RH) qui offre une vision globale des services et produits novateurs dans le secteur RH, s’est tenu les 3 et 4 octobre à Palexpo à Genève. Le CERN y a été récompensé par le 3e Prix de l’Innovation RH pour son système de congés flexibles (le LTSLS) qui propose un régime novateur et ingénieux. Le prix a été remis à Jean-Marc Saint-Viteux, adjoint au chef de Département RH. C'est une très bonne nouvelle pour notre Organisation.

Le système LTSLS actuel trouve en grande partie ses origines dans des propositions de l'Association datant de 1996, basées sur des réflexions générales sur le Temps choisi. Dans cet édito nous retraçons l’historique de nos travaux dans ce domaine, ayant conduit à la mise en œuvre du PRP et des différentes versions du congé épargné. Dans un prochain numéro d’Écho, nous discuterons plus généralement de différents éléments de la politique sociale de l’Organisation que nous voulons faire évoluer afin de garantir un meilleur équilibre entre vie professionnelle et famille. En effet, un bon employeur se doit d'offrir un environnement de travail qui permet une complémentarité harmonieuse entre motivation professionnelle et vie familiale ou sociale épanouie.

Plus d’un quart de siècle déjà

Fig. 1 : Mémo avec étude du temps choisi (début 1986)

L’aménagement du temps de travail a été un sujet qui intéresse l’Association depuis au moins le début des années 1980, où la flexibilité des horaires, l’accès généralisé à un travail à temps partiel et la réduction de l’horaire hebdomadaire à l’approche de la retraite, ont été débattus à maintes reprises au sein du Conseil du personnel. Ces réflexions ont été développées dans un memorandum de Michel Vitasse daté du 17 janvier 1986 et intitulé « Étude préliminaire sur le Temps Choisi » (Fig. 1). Michel y définissait le temps choisi comme étant toute modulation volontaire du temps de travail, même au prix d'une réduction de revenu et plaidait pour une organisation collective de la libération individuelle du temps. Puis, en septembre 1986, en collaboration avec le Groupe de psychologie appliquée du Prof. Michel Rousson de l’université de Neuchâtel, un questionnaire a été envoyé à tous les membres du personnel pour qu’ils s’expriment par rapport à différents aspects de modulation du temps de travail (Fig. 2).

Fig. 2 : Questionnaire « Temps choisi» (1986)

Le Prof. Rousson a présenté les résultats de l’analyse des 1282 réponses au questionnaire (taux de réponse 37%) dans un document « du Temps Choisi … au Flexitime » publiée en mai 1987. Cette même année les résultats de l’enquête ont été mentionnés à une réunion du CCP et en novembre dans une lettre au Prof. Rubbia. Il n’y a jamais eu de réponse ni de suivi…

Toutefois, l’Association n’a pas oublié le sujet. Les années suivantes, elle a contacté d’autres organisations internationales (PSI à Ferney-Voltaire, FICSA à Genève, FFPE à Bruxelles, ESA à Paris) et des représentants de plusieurs syndicats nationaux (CFDT, CGT et FO en France, SIT et FTMH en Suisse) pour connaître leurs initiatives éventuelles dans le domaine du temps choisi au sens large.

Saisir l’opportunité quand elle se présente

En décembre 1996, le Conseil du CERN décide de diminuer le budget de l’Organisation de 7,5%, avec une coupe dans le budget du personnel de 2% alors que l’effectif du personnel actif était déjà passé de 3800 titulaires en 1975 à 2875. Pour aider l'Organisation à faire face à ces contraintes budgétaires, l’Association a estimé que le moment était venu pour proposer deux programmes qui permettraient du recrutement supplémentaire et faciliterait le transfert de connaissance entre générations. Il s’agit du RSL (précurseur du SLS), soit du recrutement possible grâce au congé épargné, ainsi que du PRP, le programme de retraite progressive, introduit le
1er avril 1997 initialement pour trois ans et depuis renouvelé chaque année par décision du Directeur général.

Lors de son introduction au début de 1997, sous la pression des États membres, le RSL obligeait tous les titulaires à prendre la première « tranche » (qui coûtait 2,5% du traitement de base pour 5,5 jours de congé), et, sur une base volontaire, offrait la possibilité de souscrire à une, deux ou trois tranches supplémentaires (avec un coût par tranche identique à la première). Cela a permis le recrutement supplémentaire de 38 titulaires. Notons que dès 1998, la première tranche est aussi devenue volontaire.

« Quand le CERN se veut un laboratoire social » (Le Monde du 30 décembre 1997)

Cette idée, novatrice en 1996, de pouvoir acheter du congé pour permettre du recrutement a été saluée par plusieurs articles dans des journaux et hebdomadaires professionnels de nos États membres avec des titres comme « Pour créer des emplois, le CERN se mue en laboratoire social » (Le Nouveau Quotidien du 31 décembre 1997), « Le personnel du CERN teste un partage du travail original » (Le Courrier du 2 avril 1998), « Par solidarité, le CERN réussit sa première expérience sociale » (Le Temps du 3 avril 1998), « Le CERN lance le “compte-épargne temps” » (Le Dauphiné libéré du 12 mai 1998), « Staff take hols so CERN can hire young » (The Times Higher Education Supplement du 16 janvier 1998) ou « Modell “Freizeitkonto” beim Cern » (Neuer Züricher Zeitung du 2 mai 1998).

La mise en place du RSL montre qu’un travail de réflexion pluriannuel et une préparation en amont peut porter ses fruits plus tard. En effet, cela a permis à l’Association, comme partenaire responsable dans une situation de crise, d’être prête au moment opportun avec une proposition réfléchie et équilibrée, offrant une solution gagnant-gagnant au personnel et à l’Organisation.

RSL SLS STSLS LTSLS

Lors de la révision quinquennale 2000 le coût de la première tranche a pu être réduit de 2,5% à 1,5% du salaire de base (en compensation partielle d’une non-indexation des salaires) et la notion explicite de recrutement par l’épargne de congés a été abandonnée (RSL est devenu SLS).

Après quelques années, la Direction a considéré que la possibilité d’épargner des jours de congé à prendre en fin de carrière (incluant un bonus annuel d’un jour par segment de 20 jours épargnés) était trop onéreuse, et la composante long-terme (avec le bonus) a été abandonnée au 31 décembre 2007.

Le STSLS (système de congé épargné à court terme), introduit le 1er janvier 2008, permettait toujours d’acheter une à quatre tranches de 5,5 jours de congé, mais on ne pouvait pas reporter plus de 52 jours de congés annuels et épargnés combinés d’une année sur l’autre.

Enfin, en janvier 2012, pour répondre à la demande répétée des membres du personnel de pouvoir à nouveau épargner des jours de congé à prendre en fin de carrière, le STSLS a été enrichi d’une composante à long terme, d’où son nom LTSLS (voir FAQ), qui prend en compte le coût de l’effet carrière par un facteur d’ajustement annuel de 1,008. La décision du Conseil du CERN d’augmenter l’âge de la retraite de 65 à 67 ans pour les titulaires recrutés à partir du 1er janvier 2012 n'est pas étrangère à ce revirement de situation. En effet, l'Association n'a alors pas manqué de saisir cette nouvelle opportunité pour relancer une proposition couvrant le long terme. C'est ainsi que la possibilité d’épargner un maximum de deux ans à prendre juste avant la retraite est aujourd'hui devenue une réalité.

 

par Association du personnel