Du nouveau à NA62

Cette semaine marque le coup d’envoi de la première exploitation de la nouvelle expérience NA62. Ce sera une occasion sans précédent pour la collaboration de tester le nouveau faisceau, les nouveaux détecteurs et le nouveau système d’acquisition de données avant l’exploitation pour la physique, en 2014. Ferdinand Hahn, coordinateur technique de NA62, fait part au Bulletin des nombreux défis auxquels les différentes équipes ont dû faire face afin que tout soit prêt à temps pour l'arrivée du premier faisceau. À vos marques. Prêts ? Partez !

 

Un détecteur veto grand angle (en blanc) en place dans le volume de désintégration de NA62 (en bleu).

Avec des composants de presque tous les détecteurs situés en aval du point de désintégration des particules-mères – les kaons – et du détecteur KTAG qui les identifie avant leur désintégration, l’expérience NA62 est fin prête pour sa première exploitation technique. Cette campagne exceptionnelle a pour but de tester tout l'équipement, ainsi que les systèmes de déclenchement et d'acquisition de données. « Cette année, environ cinq semaines d’exploitation sont prévues avec un faisceau du SPS avant la longue période d'arrêt de toutes les machines du CERN, explique Ferdinand Hahn, coordinateur technique de NA62. Pendant cet arrêt prolongé, et avant la remise en route de la chaîne des accélérateurs, nous achèverons l’installation de tous les détecteurs restants. »

Une fois en place, NA62 sera l’installation phare du CERN pour l'étude des désintégrations rares du kaon, en particulier la désintégration de la particule-mère en un pion et en deux neutrinos. « L’étude de processus rares comme ceux qui mettent en jeu des kaons nous permet de tester avec précision le Modèle standard, car leurs prédictions théoriques sont très élaborées, explique Augusto Ceccucci, porte-parole de NA62. En mesurant le taux de certaines de ces désintégrations, nous serons en mesure de déterminer de façon indépendante une combinaison des éléments de la matrice de Cabibbo-Kobayashi-Maskawa. Tout écart par rapport aux prédictions pourrait être le signe d'une nouvelle physique. »

L’exploitation technique fournira à la collaboration NA62 des informations utiles sur la manière dont les différents détecteurs fonctionnent ensemble. En incluant le nouveau dispositif d’arrêt de faisceau, l’installation expérimentale s’étend sur une longueur totale de 270 m, dont 85 m dans le vide. « Fermer la gigantesque enceinte à vide s’est révélé être un défi de taille ; nous y sommes parvenus en grande partie grâce à notre technicien Tonio Goncalves Martins De Oliveira, souligne Ferdinand Hahn. À cause du retard pris lors de la phase d’installation, le temps consacré à la mise en service du nouveau système de vide a été extrêmement court. Cependant, nos collègues des groupes EN-MEF, TE-VSC et d'autres unités techniques ont accompli un travail remarquable pour que nous puissions mettre en route l’ensemble du système dans le temps imparti. »

Bien que cette exploitation n'ait absolument pas pour objectif de tester les performances expérimentales de NA62, la collaboration espère toutefois pouvoir reconstituer les désintégrations des premiers kaons durant ces premiers essais. « Le détecteur KTAG nous permettra d’identifier les kaons et de les mettre en corrélation avec les produits de leur désintégration, qui laissent un signal dans les détecteurs situés en aval, précise Augusto Ceccucci, porte-parole de NA62. Avec un peu de chance, nous pourrons reconstituer certaines désintégrations des kaons dans leur totalité. »

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L’histoire des kaons au CERN

Les kaons sont des particules formées de quarks, dont un quark étrange. Il existe des kaons chargés (K+ et K-) et des kaons neutres. Ces derniers sont de deux types : le kaon neutre de courte durée de vie (K0S), et celui de longue durée de vie (K0L).

La violation de symétrie CP a été observée pour la première fois dans la désintégration de kaons en 1964, au laboratoire de Brookhaven (USA), par Christensen, Cronin, Fitch et Turlay. Leur expérience leur valut d’ailleurs le prix Nobel. Ils ont montré que les kaons neutres à longue durée de vie se désintégraient parfois en deux pions, un processus violant la symétrie CP. Sakharov exposa ses trois conditions juste après et, en 1973, les physiciens japonais Kobayashi et Maskawa montrèrent comment inclure la violation de CP dans le cadre théorique des forces électromagnétique et faible. Leurs travaux ouvrirent la voie aux expériences NA31 (CERN) et E731 (Fermilab), et à leurs successeurs, respectivement NA48 et KTeV.

NA48, le prédécesseur de NA62, est surtout connu pour avoir permis d'établir, il y a une dizaine d’années, la violation directe de CP dans la désintégration des kaons neutres en deux pions. Une première extension de cette expérience - NA48/1 – s'est consacrée à l’étude de la désintégration rare des K0S, tandis qu’une  seconde extension - NA48/2 – s'est concentrée sur la recherche de violation CP et l’étude de la diffusion ππ dans la désintégration des kaons chargés.

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par Antonella Del Rosso