Dernières nouvelles du LHC : les ions croisent les protons

Après quelques problèmes techniques, le mode d'exploitation proton-ion est devenu une opération courante pour l'équipe du LHC, et les sept expériences ont commencé à acquérir des données.

 

Les premiers faisceaux stables ont été obtenus le 20 janvier, à raison de 13 paquets par faisceau. Au cours du cycle d’exploitation suivant, les premiers trains de paquets ont été injectés et on a pu obtenir des faisceaux stables, à raison de 96 paquets de protons et de 120 paquets d’ions par faisceau. Ce cycle a été très important, car il a permis d’étudier les rencontres faisceau-faisceau à distance, qui se produisent en des points variables. Les rencontres à distance, qu’on observe également dans les exploitations proton-proton, se produisent quand les paquets des deux faisceaux « s'aperçoivent » lorsqu'ils se trouvent dans la même enceinte à vide à l’une des deux extrémités de l'expérience. La situation devient plus compliquée dans le cas de faisceaux de natures différentes (protons et ions), dans la mesure où les temps de révolution sont différents (jusqu'au moment où les fréquences sont calées, à pleine énergie - Voir l'encadré « Caler les faisceaux »), ce qui signifie que les points où se produisent ces rencontres se déplacent. Nous avons pu constater que ce phénomène ne crée pas de perte d’intensité de faisceau significative ni de gonflement d’émittance. C’était un point que l’on souhaitait éclaircir depuis longtemps.

Le 21 janvier, des faisceaux pleins ont pu être injectés (338 paquets d’ions et 338 paquets de protons) et montés en puissance. En outre, le LHC a enregistré un nouveau record d’intensité pour des faisceaux d’ions plomb. La grande performance des injecteurs qui fournissent les paquets de protons et d'ions plomb a été essentielle au succès de l’exploitation proton-ion.

Depuis le 24 janvier, nous obtenons régulièrement des faisceaux stables en mode de remplissage total. Actuellement, les protons sont injectés dans l’anneau 1 (dans le sens horaire) et les ions plomb dans l’anneau 2. Mais, dans quelques jours, on permutera les faisceaux, de façon à ce que ALICE, détecteur de conception asymétrique, puisse acquérir des données dans les deux sens.

Lorsque tout va bien, les équipes parviennent à réaliser deux remplissages pour la physique par jour et à obtenir, au début des collisions, une luminosité de crête de 1029 s-1cm-2 environ dans ALICE, ATLAS et CMS. La luminosité intégrée produite par le LHC est beaucoup plus élevée que prévu : environ 2 nanobarns inverses par expérience et par jour. La semaine dernière, l’efficacité du LHC a été particulièrement bonne : des faisceaux stables ont été obtenus pendant 45 % du temps.

 

Le saviez-vous ?

Actuellement, l’intensité moyenne des paquets de protons comme celle des paquets d’ions s’élève à 1,5 x 1010 charges en début de cycle. Toutefois, l’intensité des paquets d'ions (exprimée en charges de protons) diminue plus vite que celle des protons : chaque fois que se produit une collision inélastique, il y a perte d’un proton dans le faisceau de protons et perte d’un ion représentant 82 charges dans le faisceau d’ions plomb (l’ion plomb est débarrassé entièrement de ses électrons et son noyau compte 82 protons). C’est ce qui explique le délitement de la luminosité. Les paquets de plomb subissent également un accroissement de leurs dimensions transversales à cause des interactions des ions à l’intérieur du faisceau (Intra-Beam Scattering ou IBS).

 

Caler les faisceaux

Lorsque deux types différents de particules circulent dans le LHC, le calage des deux systèmes de radiofréquence (RF) peut poser problème. Ce calage a été l’une des nombreuses tâches délicates que les équipes ont dû accomplir lors de la phase de mise en service de l’exploitation proton-ion plomb.

Lors des premières opérations de calage, d’importantes pertes d’intensité de faisceau ont provoqué l'arrêt du faisceau. On a découvert par la suite que ces pertes étaient dues à une mauvaise synchronisation des deux fréquences. Cette désynchronisation a provoqué le dépassement de la fréquence lors de l’ajustement et, ainsi, la sortie du faisceau 2 dans le plan horizontal. Le faisceau 2 a par conséquent été raclé et certains ions perdus au niveau des collimateurs, au point 7. Pour remédier à ce problème et reprendre le processus de calage, les équipes ont dû procéder à un réglage minutieux des paramètres.

 

par Reyes Alemany Fernandez for the LHC team