David Fiander (1931 - 2015)

C’est avec tristesse que nous avons appris le décès de Dave Fiander le 29 mars dernier. 

 

Né à Londres en 1931, Dave a fréquenté plusieurs écoles du Pays de Galles et a terminé sa scolarité à Swansea. Il a étudié l’ingénierie à l’Imperial College de Londres, une université qui a toujours eu une réputation de premier plan dans ce domaine. Une fois son diplôme obtenu, il a travaillé plusieurs années pour l’Agence de l’énergie atomique du Royaume-Uni, où il a participé à la production de barres de combustible en uranium enrichi pour les centrales nucléaires. En 1963, un poste lui a été proposé au CERN, et il a alors rejoint un groupe de la division PS, dirigé par Fred Asner, chargé des systèmes d’injection et d’éjection.

C’était une époque passionnante pour le CERN. La construction du premier grand synchrotron d’Europe, le PS, était terminée, et la machine avait commencé à accélérer des paquets de protons à l’énergie record de 28 GeV. Une fois accélérés, les 25 paquets de particules, espacés de 110 ns, circulaient autour du cercle de 100 mètres de rayon qui constituait l’accélérateur PS. Ces paquets devaient être extraits pour aller frapper une cible fixe, d’où s’échappaient quelques particules secondaires qui étaient analysées en mouvement ; elles allaient ensuite alimenter une chambre à bulles à l’autre extrémité du hall Sud, qui était alors la première grande zone d’expérimentation du CERN. D’autres expériences du hall Sud utilisaient des compteurs à scintillation, qui nécessitaient une extraction de faisceau de plusieurs centaines de millisecondes, les faisceaux se déversant sur un septum par extraction résonnante. Les chambres à bulles avaient besoin d’une impulsion très courte, proportionnée au temps de sensibilité de la chambre. Les quelques particules secondaires observées dans la chambre provenaient d’une ligne de faisceau extrêmement sélective, mais tiraient leur origine d’un ou plusieurs des 20 paquets intenses circulant dans le PS.

Dave a inventé un aimant pulsé haute tension opérant à l’intérieur de la chambre à vide de l’accélérateur ayant une ouverture suffisamment grande pour laisser passer le faisceau lors de l’injection et un champ déflecteur suffisamment fort pour éjecter les paquets du faisceau, d’une énergie de 28 GeV. Un aimant à septum guiderait ensuite le faisceau éjecté de la machine, pour l’amener sur une cible ou dans un autre accélérateur. La tension nécessaire pour actionner cet aimant de déflexion rapide à ouverture complète était de 60 kV. Une longueur de ligne coaxiale de haute qualité, portée à cette tension, produisait une impulsion de dizaines de kA lorsqu’un spintermètre (ultérieurement un interrupteur thyratron) était actionné. L’impulsion était transmise au circuit de l’aimant à ferrite, présentant une impédance égale à celle de la ligne. Le temps de montée du champ de l’impulsion devait être inférieur à l’intervalle de 100 ns entre les paquets, l’impulsion parfaitement constante, et le temps de descente du champ aussi rapide. Dave, comme tous les grands ingénieurs spécialistes des accélérateurs grâce auxquels le CERN a été possible, brillait par son imagination et son inventivité. Il était à la tête d’une petite équipe, composée de Denis Grier, Klaus Metzmacher, Peter Pearce et Stuart Simpson, avec laquelle il a réalisé ce dispositif, et a été à l’origine d’une génération nombreuse d’aimants à commutation rapide ; ceux-ci, comme les aiguillages des chemins de fer, dirigeaient les faisceaux de particules du CERN quand ils passaient du Booster au PS et au SPS (étant parfois déviés vers l’Accumulateur d’antiprotons et le LEAR, plus tard vers le LEP, et finalement vers le LHC). Tous ces travaux étaient réalisés avec la précision et la fiabilité qui le caractérisaient ; un train de paquets mal dirigé pourrait en effet aisément percer le tube à vide ou même l’un des précieux aimants supraconducteurs du LHC. Même avec tous les projets qui ont suivi, Dave demeurait fier, avant tout, de ce premier système d’aimant à déflexion rapide à ouverture complète, qui est encore opérationnel aujourd’hui et continue de fournir des impulsions au faisceau pour la chaîne d’accélérateurs du CERN.

L’équipe de Dave s’est agrandie jusqu’à devenir le groupe BT, dans la division PS, et ses responsabilités se sont étendues et comprennent les septums magnétiques qui ont succédé aux aimants de déflexion rapide. Il a recruté des personnes très diverses par leur pays d’origine et leur domaine d’expérience en ingénierie, ce qui a permis d’obtenir des résultats qu’aucun d’eux n’aurait pu espérer atteindre seul. Il inspirait le respect par un style de direction ferme, juste et humain, encourageant les nouvelles idées, lesquelles ont permis de développer un grand nombre de systèmes d’impulsions sous sa direction.

Pendant ses années les plus productives (qu’il appelait son âge d’or), Dave a travaillé pour Roy Billinge et Jones Eiffion, quand ils construisaient l’accumulateur d’antiprotons, machine qui exigeait beaucoup de dispositifs pulsés, pour lesquels il a construit l’alimentation électrique ; il a travaillé aussi sur une corne magnétique et sur la lentille de lithium (provenant initialement de Novossibirsk), dispositif inquiétant qui combinait des tensions et des courants élevés et envoyait une impulsion à travers une tige de lithium. La moindre fuite du système de refroidissement par eau aurait mis le feu à ce dispositif, à travers lequel passaient les faisceaux de protons les plus intenses et les plus concentrés que le CERN était capable de produire à cette époque. Mais une fois de plus, entre les mains expertes de Dave, tout s’est déroulé parfaitement.

Le dernier projet de Dave, avant sa retraite anticipée en 1993, était l’alimentation haute tension pulsée pour le poste de cible du faisceau radioactif d’ISOLDE, projet sur lequel il a travaillé avec Tony Fowler. Mais jusqu’au mois de son décès, il restait très fier du premier aimant de déflexion rapide à ouverture complète, qui envoie toujours des impulsions, après 40 ans, et doit continuer de le faire aussi longtemps que le PS sera à la tête du complexe du CERN.

Nous transmettons nos condoléances les plus sincères et toute notre sympathie à Brenda, Susan, Keith, Ian et leurs familles.

Ses collègues et amis