Mots des présidents-Gianni Deroma

Gianni Deroma

Cette semaine nous publions les dernières contributions dans la série « Mots des présidents » en donnant la parole à Gianni Deroma (2007-2010) et Michel Goossens (2011-2015).

“Tu patere legem quam ipse fecisti”
Cet adage a marqué mes années passées à l’AP, l’Association du Personnel. Il les incarne en cela qu’il illustre une réalité nouvelle pour quelqu’un comme moi, issu du monde technique : c’est la découverte de l’importance si particulière de la chose juridique dans le rôle de défenseur du personnel.

Nous les membres du personnel avons pour référence, comme citoyens, les démocraties dans lesquelles nous vivons. Le CERN n’est pas une démocratie. Les États-membres, le Directeur General y ont les pleins pouvoirs, ou presque. Et nous ne sommes pas des citoyens qui les élisons.

Alors dans ce contexte, y-a-t-il une utilité à avoir une Association du personnel ? Ou est-elle juste un alibi nécessaire à ceux qui disposent du pouvoir ?

C’est là que la chose juridique prend tout son sens, en venant contrebalancer le pouvoir de nos organes dirigeants. Et dans l’exécution de son rôle, le représentant du personnel a tout intérêt à s’assurer du bon équilibre de cette balance qui symbolise le droit : ce qui doit être juste. Travailler ses dossiers sous l’angle juridique, déposer auprès du tribunal une requête qui attaque une décision administrative sont des actes sains.

Si, pendant mon mandat, le tribunal n’a pas donné raison à l’AP dans les requêtes qu’elle soutenait, toujours ses jugements ont permis de mieux préciser l’esprit des textes. Pour imager mes propos, et comme me l’a appris Michel Vitasse avec qui j’ai travaillé comme son vice-président, il faut comprendre que les jugements du tribunal sont, pour le fonctionnaire international, comme le filet de sécurité pour le trapéziste. Et plus on fait recours auprès du tribunal, plus les mailles du filet se resserrent et l’ensemble se solidifie. Cela n’évite pas la chute certes, mais c’est bigrement rassurant !

L’adage cité au début pourrait être traduit par « t’appliqueras la loi que tu as toi-même édicté ». Quoi de plus logique ? Appliquer le droit, c’est donc avant tout faire preuve de bon sens. Dans le contexte actuel de tensions avec le Conseil du CERN, est-il possible que ce bon sens soit piétiné ? Ce serait inacceptable.

Solliciter l’arbitrage du tribunal, c’est montrer à tous que nous ne vivons pas isolés sur une île – celle du monde scientifique par exemple – mais que nous appartenons à un monde bien réel et beaucoup plus large* : celui des organisations internationales dont nous suivons l’évolution de la juridiction. Oui vraiment, solliciter l’arbitrage du tribunal est sain.

L’action juridique ne saurait remplacer la mobilisation du personnel certes, mais elle la complète et l’alimente. De mon expérience à l’AP, la reconnaissance exprimée par le personnel reste ce qui m’a le plus touché émotionnellement. Le travail en équipe aussi. Ce qui m’a aussi beaucoup marqué, c’est la découverte des réalités du droit de la fonction publique internationale.

Devenir délégué du personnel, m’impliquer à l’AP, auront été d’une grande richesse, une étape importante de mon parcours professionnel et personnel. Longue vie, avec une forte influence sans cesse renouvelée, à notre Association du personnel !

Gianni Deroma
* A titre d’exemple, le TAOIT (Tribunal Administratif de l'Organisation Internationale du Travail), auquel le CERN est affilié, est ouvert à 46'000 fonctionnaires internationaux d’une soixantaine d’organisations.

par Staff Association