Mots des présidents - Michel Goossens
Début 1955 déjà, seulement quelques mois après la création du CERN, les membres du personnel de l’Organisation, ils étaient moins de 200 alors, réalisaient qu’ils devaient s’organiser en corps constitué pour garantir une représentation formelle auprès de la Direction et des États membres. L’Association du personnel était née. Comme 27e président de l’Association du personnel depuis ses origines il y a 60 ans j’ai une tâche fort intéressante et enrichissante, pleine de responsabilité, mais pas toujours simple. En effet, choisi par ses paires comme primus inter pares, le président est un chef d’orchestre, qui doit convaincre d’abord ses musiciens à étudier la partition ensemble puis de la jouer en harmonie. Évidemment dans ma fonction je peux m’appuyer sur les fondements solides bâtis par mes 26 prédécesseurs, et l’enthousiasme, la loyauté, les efforts continus et la persévérance d’un noyau de collaborateurs fidèles, délégués élus au Conseil du personnel.
La force de l’Association du personnel est son approche participative et consensuelle, la discussion approfondie, la recherche d’une solution commune qui tient compte des attentes du plus grand nombre, une concertation avec la direction et un travail d’explication et de persuasion au TREF et ailleurs auprès des délégués des États membres. Une expérience qui demande efforts à chacun des participants, patience et volonté d’écoute, ouverture d’esprit et empathie par rapport aux différents points de vue et attentes exprimés, mais aussi loyauté envers les principes du dialogue sincère, confiance dans la bonne foi des partenaires sociaux, respect de la parole donnée.
L’Association a connu des succès, voire même des avancées exemplaires et originales (création d’un forum triparti sur les conditions d’emploi, assurance dépendance, congé épargné, internalisation via titulaires locaux, mesures équilibrées pour mettre nos assurances sociales sur des bases financières saines). Parfois aussi des défaites face aux attaques de nos États membres contre nos conditions d’emploi considérées comme des « privilèges ». Alors nous devons persuader nos interlocuteurs, expliquer et expliquer encore, et, si nécessaire, agir, en s’appuyant sur tous les Cernois pour aider leurs délégués, en participant aux enquêtes ou référendums, signant des pétitions, élevant la voix, et parfois en exprimant ses vues par des actions plus « fortes ».
La richesse essentielle de l’Organisation est son personnel, la base de son excellence en physique et technologie, créateur de savoir et de savoir-faire. Le personnel démontre au quotidien une complicité spontanée entre différentes cultures et langues, une symbiose magique entre une multitude de types de formations dans nos pays d’origine, une volonté de collaboration et une ouverture d’esprit pour explorer avec curiosité les origines de l’univers à travers l’étude de l’infiniment petit.
L’excellence du CERN avec ses découvertes en science fondamentale, ses développements techniques, et son rôle essentiel dans la formation des spécialistes futurs a été reconnue à maintes reprises. Evidemment l’excellence a un coût. Mais c’est un investissement essentiel dans le progrès, créateur d’emplois de haute qualité pour nos enfants et petits-enfants.
Défendons donc, tous ensemble, notre réussite de la science fondamentale, un exemple de collaboration pacifique qui grâce à une mutualisation équitable des coûts a permis à l’Europe d’avoir en son sein un laboratoire de physique unique au monde, dont nous sommes fiers. Battons-nous contre les considérations à court terme et purement financières qui sont sans lendemain. Exigeons des ressources humaines et matérielles adéquates qui garantissent le bon fonctionnement de l’Organisation. Nous le devons aux générations futures, elles nous seront reconnaissantes de ne pas les avoir sacrifiées.