Les colliers du LHC : 12 millions de bijoux de haute technologie

Quelques 12 millions de colliers en acier devront assurer la rigidité des aimants dipôles du LHC. Leur production vient juste de débuter.

C'est un travail de titan qui a commencé la semaine dernière : la fabrication à grande vitesse de douze millions de colliers en acier pour les 1250 aimants dipolaires du futur grand collisionneur de hadrons, le LHC.
Le défi ne réside pas seulement dans la quantité à produire. Ces colliers sont de surcroît des éléments de très haute techno-logie en raison du rôle important qu'ils jouent dans le fonctionnement du collisionneur. L'une des principales difficultés liées à l'accélérateur est que le champ magnétique qui maintient les particules en orbite doit avoir la même configuration et la même intensité dans tous les dipôles. Mais lorsque le champ magnétique de 8,33 teslas - soit 100 000 fois le champ magnétique terrestre - est appliqué, il produit une force très puissante qui peut déformer les parties « molles » des aimants, comme les bobines supraconductrices. La force subie par un mètre de dipôle est presque comparable au poids d'un Boeing 747 - environ 400 tonnes - de sorte que, sans aucun élément mécanique permettant à l'ensemble de la structure de rester rigide, il se produirait une énorme déformation.

Diego Perini, responsable CERN pour la conception et la production des colliers des aimants du LHC, brandit une paire de ces précieux colliers.

Cet élément est le collier placé autour des bobines supraconductrices pour empêcher les mouvements indésirables des conducteurs. Les colliers doivent avoir des propriétés géométriques et physiques bien définies pour confiner les bobines, éviter les déformations et avoir un comportement constant lorsqu'ils sont exposés à une chaleur extrême et aux champs magnétiques.
Le problème a été résolu grâce à l'utilisation d'un alliage particulier appartenant à la famille des aciers austénitiques (voir encadré), qui possède toutes les propriétés requises : contraction thermique et perméabilité magnétique satisfaisantes. La production de cet acier est rendue possible par la collaboration japonaise au projet LHC. L'acier est produit par l'entreprise Nippon Steel, puis bobiné et expédié en Italie. Lorsque l'acier arrive dans l'entreprise Malvestiti à Milan, il est découpé à la forme adéquate au moyen d'une technique très précise. La précision requise pour les dimensions du collier doit être de l'ordre de ±20 micromètres. La technique utilisée est appelée découpage fin et donne une déformation négligeable et d'une extrême précision pendant le processus de découpage.
Ce processus long et précis permet d'obtenir une seule paire de colliers. Mais le véritable défi consiste à en fabriquer six millions, rigoureusement identiques. C'est la condition sine qua non pour que les aimants forment une structure rigide et que l'intensité du champ magnétique soit constante dans tout le collisionneur, afin que les particules soient exposées à la même intensité de champ magnétique lorsqu'elles sont accélérées. Le Groupe MMS de la Division LHC supervise la construction de ces éléments et les installe.
La première année, 5 à 6% du nombre total de colliers seront fabriqués, avec une production de 5000 colliers par semaine pour commencer. La production doit ensuite augmenter pour fabriquer l'ensemble des colliers en cinq ans. Compte tenu du grand nombre de colliers, une deuxième entreprise de découpage fin devrait participer à la production dans le courant de l'année. Dès qu'un ensemble de colliers sortira de la chaîne de production, il sera assemblé avec d'autres parties des dipôles.

Le saviez-vous ?
Rien ne vaut l'acier inoxydable ! Tous les aciers se corrodent au fil des années, certains plus rapidement que d'autres. Dans l'eau de mer, où un acier doux se corrodera au rythme d'environ un millimètre tous les six ans, un acier austénitique inoxydable ne subira le même sort qu'à raison d'un millimètre tous les 200 ans. C'est à cause de cette caractéristique que l'acier austénitique inoxydable est largement utilisé pour la construction d'éléments métalliques pour des applications en orthopédie.