Des transports qui répondent au doigt et à l' oeil

Des convois très spécifiques ont été mis au point pour transporter et installer les aimants supraconducteurs du LHC. Le premier de ces véhicules est en cours de tests dans le tunnel.

Pendant la nuit, d'étranges convois se faufileront dans le tunnel du LHC. Dès 2004, cinq convois électro-hydrauliques seront chargés de transporter et d'installer les 1232 aimants dipôles supraconducteurs et les 424 quadrupôles des Sections droites courtes (SSS) du LHC. Ces véhicules prennent en effet la relève du fameux monorail qui avait été utilisé pour l'installation du LEP. Les aimants du LHC étant plus lourds, plus longs et beaucoup plus fragiles que ceux de l'ancien collisionneur, il a fallu en effet leur trouver un moyen de transport inédit. D'autant que l'étroitesse des tunnels rend les opérations encore plus délicates. C'est la raison pour laquelle ces convois, constitués de deux tracteurs, d'une remorque et d'un équipement de déchargement, ont été fabriqués selon des critères très particuliers.


Les personnes qui ont contribué au nouveau système de transport pour les cryoaimants du LHC posent devant le premier convoi dans le tunnel.

Leur principale particularité est d'être guidés automatiquement grâce à un système optique à infrarouges capable de suivre une ligne blanche marquée au sol. Ce dispositif permet de pallier le manque de place dans les tunnels. Car la marge de chaque coté des véhicules ne dépassera pas les 20 centimètres ! Ce système de guidage est non seulement plus s r mais également plus reposant pour le technicien aux commandes. En effet, les opérations se dérouleront la nuit et tous les convois partiront du points PMI2 en direction du point d'installation de l'aimant. Le LHC mesurant 27 km de circonférence et la vitesse des convois étant de 3 km/h, certains transports pourront durer plusieurs heures. Même si le transport est automatique, le bon déroulement des opérations sera surveillé par un technicien. Ce dernier devra également prendre les commandes pour décharger et installer l'aimant. L'aimant va être légèrement soulevé par l'équipement de déchargement et une table de transfert va reprendre l'aimant qui va être déplacé latéralement jusqu'à son emplacement final. Une fois l'opération terminée, le convoi sera reconstitué et retournera à son point de départ.


Il reste très peu de place dans le tunnel du LHC lorsque le convoi transportant le quadrupôle SSS passe le long de l'enceinte à vide du dipôle.

Une autre particularité de ces véhicules tient à la relative fragilité des aimants du LHC. «Les véhicules ont été conçus pour réduire au maximum les vibrations lors du transport», explique Keith Kershaw ingénieur de projet (EST/IC). Dans leur cryostat, les aimants reposent en effet sur des pieds isolants relativement fragiles. Les risques de détérioration des pieds ou de modification de la géométrie des aimants à l'intérieur du cryostat doivent alors être minimisés.
La fabrication des véhicules est l'oeuvre d'un consortium allemand entre l'entreprise Babcock Noell Nuclear de Würzburg et l'entreprise MAFI de Tauberbichofsheim. Les tables de transfert, qui seront livrées cet été, proviennent quant à elles de l'entreprise slovaque ZTS VVU Kosice.
Afin d'effectuer tous les tests nécessaires du premier véhicule, une section droite courte prototype (SSS) a été descendue le 4 mars dernier dans le tunnel au point 4. Cet aimant de 9 tonnes et de presque 9 mètres de long a ensuite été placé sur la remorque du convoi. Les opérations de chargement et de déchargement de l'aimant ont donc pu être réalisées dans des conditions réalistes. «Lors du transport, des mesures de chocs et de déformation des pieds de cet ensemble ont été effectuées. C'est en effet une des contraintes les plus importantes pour ce type de transport» remarque Kurt Artoos, responsable pour les essais de réception et de vibration (EST/IC). Faire circuler le convoi dans le tunnel a permis de tester le guidage optique in situ. Enfin, une enceinte à vide a été installée sur le parcours pour apprécier la place laissée au passage des convois. Les essais permettent également de vérifier la préparation de l'infrastructure pour ces convois : le rail du monorail et sa gaine électrique seront par exemple utilisés pour alimenter les véhicules. La réinstallation de 4 km du rail du monorail et de sa gaine est d'ailleurs en cours dans des zones où il avait été démonté pour les travaux de génie civil ou l'installation de LEP 200. Le sol est également en cours de réparation pour assurer le minimum de chocs. Les tests des deux premiers convois se poursuivront jusqu'à la fin du mois d'avril. Tous les convois devraient être livrés d'ici à la fin 2003.