Ludwig Tauscher (1939-2008)
Chers collègues,
C’est avec une immense tristesse et un profond regret que nous vous annonçons la disparition de notre collègue et ami Ludwig Tauscher, décédé dimanche 23 novembre des suites d’une crise cardiaque.
Ludwig avait étudié la physique à l’Université de Heidelberg, où il avait obtenu son doctorat en 1966. Après avoir occupé plusieurs emplois de chercheur post-doctorant au MPI de Heidelberg, ainsi qu’aux universités de Constance et de Karlsruhe, il a intégré l’Université de Bâle où il est devenu professeur en 1985.
Ludwig a entièrement consacré sa vie professionnelle à l’enseignement et à la physique expérimentale. Il est arrivé au CERN au début des années 70, où il a mené plusieurs expériences au SC, puis au PS, dans le but d’étudier les atomes exotiques à l’aide de diverses particules telles que μ-, π-, K-, et Σ-. Au début des années 80, il a conduit des recherches sur la production d’états liés nucléon-antinucléon au PS, sujet qui a largement motivé la construction de l’anneau à antiprotons de basse énergie (LEAR). Au LEAR, il a étudié la production et la spectroscopie des mésons neutres dans le cadre de l’expérience PS182, dont il était aussi le porte-parole.
Ludwig faisait partie des fondateurs de l’expérience CPLEAR (PS195), à laquelle il a grandement contribué depuis la proposition du projet en 1985, jusqu’à ses dernières publications en 2003. En tant que directeur du groupe de Bâle et organisateur de la participation des universités suisses, il a été l’un des instigateurs de la construction du calorimètre électromagnétique et a aussi participé à une grande partie des analyses des symétries fondamentales (CP, T et CPT) publiées dans le cadre de l’expérience CPLEAR.
En 1994, Ludwig a associé l’Institut de Bâle au projet CMS. Il était très impliqué dans les activités suisses liées au détecteur de pixels de CMS. Avec son équipe, il a participé dès les premières étapes du projet à la conception et à la construction de parties essentielles du détecteur de pixels tel que nous le connaissons aujourd’hui. Il a dirigé de nombreuses thèses de doctorat et autres travaux d’étudiants traitant de la question de la déplétion partielle des capteurs de pixels en silicium fortement irradiés. Pendant de nombreuses années, il a également représenté la Suisse au conseil de management et au conseil de la collaboration de CMS.
Entre 1988 et 1996, il a dirigé le Forum des physiciens suisses des hautes énergies (l’ancienne version de l’actuel Institut suisse pour la physique des particules, CHIPP) sous les auspices du « 3e Cycle de la physique en Suisse Romande ».
En parallèle, son intérêt pour la physique sur le LEP l’a poussé à rejoindre l’expérience L3. En contribuant à tous les aspects de l’activité, Ludwig a réussi à faire du groupe de Bâle un membre indispensable de la collaboration. Il a permis à son groupe de contribuer de manière importante à tous les aspects de la recherche scientifique. Ses idées sont à l’origine du système de déclenchement de premier niveau de l’expérience L3, qui a fortement contribué à améliorer l’acceptance du détecteur. Plus tard, il s’est concentré sur la physique à deux photons, sujet auquel un grand nombre de ses étudiants ont consacré leur thèse de doctorat.
De la fin des années 90 jusqu’à sa mort prématurée, il était impliqué dans l’expérience DIRAC (PS212), qui étudie les atomes-ππ. Il a été responsable de la conception et de la réalisation d’un système de déclenchement de niveau élevé. Tout au long de l’expérience, il a apporté sa contribution à l’analyse des données et à l’interprétation des résultats physiques. Il a soutenu avec enthousiasme un projet de perfectionnement de l’équipement en vue d’améliorer la mesure de la durée de vie des atomes-ππ, ainsi que l’observation et la future mesure de la durée de vie des atomes-πK. En dirigeant exceptionnel et bienveillant de cette expérience, il s’est toujours efforcé de soutenir tous les membres de la collaboration DIRAC et de garantir leur bien-être.
Après son départ à la retraite en 2004, son engagement dans le domaine de la physique des particules et des autres domaines associés a continué. Depuis 2005, Ludwig était professeur invité au Laboratoire pour la physique des hautes énergies (EPF de Zurich), dans le cadre de la poursuite des activités de CMS. Il a également continué d’assumer le rôle qu’il remplissait depuis plusieurs années : celui de membre du Comité consultatif sur la physique des particules du PSI.
La communauté suisse de la physique des particules vient de perdre un éminent physicien et un enseignant-chercheur dévoué, qui s’est consacré de tout son être à la formation des jeunes scientifiques. Son caractère amical et son ouverture d’esprit manqueront à chacun de nous.
Nous présentons nos plus sincères condoléances à sa famille et l’assurons de toute notre sympathie.
Ses amis et collègues