De nouvelles perspectives pour le progrès

Les nouvelles techniques peuvent transformer le monde, nous le savons bien, mais ces transformations prennent parfois des formes surprenantes. Le projet de centre de cyberscience citoyenne vise à promouvoir l’innovation pour des causes humanitaires par des initiatives bénévoles décentralisées, au moyen de réseaux d’appui informatique ou d’«appui de pensée». La première conférence a eu lieu fin octobre au CERN.

L’Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (UNITAR), l’Université de Genève et le CERN viennent d’établir un nouveau partenariat et ont lancé une série de conférences, au cours desquelles des spécialistes de disciplines humaines ou techniques seront invités à réfléchir à des moyens d’œuvrer pour un monde meilleur. La première conférence, organisée au CERN, était donnée par Mo Ibrahim et Alpheus Bingham, deux personnalités à l’origine de projets consistant à tirer parti des technologies pour résoudre des problèmes difficiles.

Mo Ibrahim est le fondateur de Celtel International, l’un des opérateurs de réseau pour téléphones portables les plus répandus en Afrique. L'entreprise fondée par Ibrahim a changé la vie de beaucoup de gens – elle a permis à des millions de citoyens de communiquer sans fil, contribuant ainsi à la croissance économique tout en améliorant la liberté de chacun. Une étude publiée cette année par la Banque mondiale montre qu'un accroissement de 10% de l'utilisation du téléphone portable dans les pays en développement accroît le PIB par habitant de 0,8%. La même étude établit également qu’une hausse de 10% du nombre de connexions Internet haut débit correspond à une croissance économique de 1,3%. Pour donner un exemple, les consommateurs peuvent mieux se renseigner sur les prix dans les villes voisines avant d'acheter ou de vendre des biens, et ainsi éviter des abus. Les travailleurs indépendants peuvent utiliser leur téléphone pour faire de la publicité et faire connaître leurs services. Il est aussi possible, à l'aide d'un téléphone portable, de transférer de l'argent à distance - ce qui rend les transactions bancaires et les déplacements plus sûrs.

Plus inattendu peut-être, la technologie permet également de promouvoir la démocratie en Afrique. Les téléphones portables aident les observateurs à surveiller les élections, ce qui permet de mieux détecter les fraudes. Ils permettent aussi de signaler les violations des droits de l’homme ou de coordonner des projets de protection de l’environnement.

Ayant vendu son entreprise en 2004 pour un montant de 3,4 milliards de dollars des États-Unis, Mo Ibrahim, avec sa fille Hadeel, est à l'origine d'une fondation humanitaire qui décerne des prix aux bons gouvernants en Afrique. Il utilise également son influence pour promouvoir les activités commerciales en Afrique, car il est convaincu que les opportunités sont très nombreuses sur le continent, et que le développement de ces activités est nécessaire pour les populations. «Je suis contre l'assistanat, déclare-t-il. Je suis pour le commerce. Si les gens font du commerce honnêtement, cela fait avancer les choses.»

Le deuxième conférencier invité est Alpheus Bingham, fondateur de Innocentive, un réseau web spécialisé dans la mise en contact en vue de résoudre des problèmes difficiles. Au moyen de son site web, InnoCentive met les ‘organisations demandeuses’, qui cherchent une solution à leur problème, en contact avec des ‘proposeurs’, qui peuvent gagner une certaine somme s’ils proposent la meilleure solution.

Alpheus Bingham est convaincu que, bien souvent, des personnes extérieures (même si elles travaillent dans un domaine assez éloigné) peuvent apporter une perspective nouvelle et des solutions innovantes à des problèmes sur lesquels les experts ont calé. «InnoCentive s'appuie sur la dimension mondiale de l’Internet pour permettre aux ‘demandeurs’ de trouver les bons ‘proposeurs’, explique-t-il. Nous espérons que cette série de conférences appellera l’attention sur les buts de ce centre, explique Ben Segal, collaborateur du centre de cyberscience citoyenne, qui sont de promouvoir le développement et l’éducation au moyen de l’‘appui de pensée’ et des réseaux informatiques.»

Ce centre aidera les autorités régionales, les travailleurs humanitaires et les scientifiques à tirer parti des ordinateurs et des esprits disponibles bénévolement sur le web, pour par exemple prédire les effets de nouveaux vaccins sur des maladies négligées, étudier les effets du changement climatique sur les régions en développement ou transformer les images satellites en cartes utilisables de régions lointaines, pour ne citer que quelques exemples de projets déjà en cours.

par Danielle Amy Venton